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Le
syndicalisme d’État en Espagne
Financement
des syndicats et élections syndicales
Fernando
Ventura Calderón
À
partir de l’étude d’un cas particulier, les élections syndicales organisées dans
un hôpital de Séville, Ventura Calderón procède à une véritable radioscopie du
premier des syndicats espagnols, les Commissions ouvrières, qui révèle à quel
point le syndicalisme espagnol est tributaire de l’argent des entreprises et de
l’État. Dans la seconde partie du texte, il tire les leçons du processus électoral
et montre l’émergence et la consolidation d’une nouvelle figure sociale, le syndicaliste
d’État, lequel est la base de ce syndicalisme de délégation et de gestion qui
est venu remplacer le syndicalisme de mobilisation longtemps représenté en Espagne
par la CNT.
Financement
des organisations syndicales espagnoles
En recourant au cas des Commissions ouvrières (en abrégé, CCOO) – mais
il est bien clair que ce qui est dit ici vaut pour n’importe quel autre syndicat
–, nous allons exposer rapidement les différentes sources de financement syndical.
1.
La cotisation
La
cotisation est la somme d’argent que l’affilié au syndicat paie tous les mois.
C’est le paiement de cette cotisation, du reste, qui fait de lui un adhérent à
l’organisation, avec les droits et les devoirs que cette condition suppose. Le
montant de la cotisation varie suivant la situation du travailleur : en 1998,
chaque affilié aux CCOO versait 1 200 pesetas par mois à l’organisation.
Les chômeurs, en revanche, n’en versaient que 390. Ces sommes, déclarées au fisc,
peuvent entraîner un dégrèvement d’impôts.
1.1.
Nombre de cotisants
Les
Commissions ouvrières revendiquent environ 650 000 affiliés, dont 10 %
de chômeurs. Si on s’en tient à ce chiffre, les syndicats qui intègrent l’organisation
doivent empocher annuellement un total de cotisations tournant autour de 8,5 milliards
de pesetas.
1.2.
Ventilation des cotisations
Les
cotisations sont ventilées entre les différentes organisations du syndicat. Voici
le chemin suivi par les 1 200 pesetas que payait l’adhérent d’une section
du syndicat de la santé de Séville :
Vingt
pesetas vont à l’Unité administrative de recouvrement et 40 à une assurance pour
les adhérents. Des 1 140 pesetas restantes, 32 % vont au Syndicat provincial
des travailleurs de la santé, 13 % vont à la Fédération de la santé d’Andalousie
et 15 % à la Fédération nationale de la santé (171 pesetas). Les unions territoriales perçoivent 40 % des sommes, dont 25 % reviennent à l’Union provinciale
de Séville, 8 % aux COAN (96 pesetas) et 7 % au comité confédéral.
On
voit que, de la sorte, le comité exécutif confédéral touche 7 % de la totalité
des cotisations prélevées par les CCOO dans toute l’Espagne ; les COAN touchent
8 % des cotisations andalouses ; l’Union provinciale de Séville, 25 %
des cotisations de la province de Séville ; le Syndicat provincial des travailleurs
de la santé (SPTS), 32 % des cotisations du secteur de la santé de Séville.
Il en va de même pour les fédérations régionales et nationales de branche.
Cela
signifie que, en 1998, le comité exécutif confédéral (l’organe le plus élevé de
l’organisation) avait touché environ 610 millions de pesetas à titre de cotisations.
Les COAN, avec leurs 100 000 adhérents, en avaient touché 100 millions ;
80 millions de pesetas étaient revenus à l’Union provinciale de Séville (UP),
avec ses 22 000 affiliés. La Fédération nationale de la santé (FES, en espagnol),
avec 32 000 adhérents, avait touché 60 millions. La Fédération de la santé
d’Andalousie (FSA), avec 10 000 affiliés, avait eu droit à 15 millions :
les 2 000 syndiqués du SPTS lui assuraient 9 millions de pesetas par an.
Enfin, pour ce qui est des sections syndicales, elles ne retiennent pas le moindre
pourcentage sur les cotisations. La section syndicale de l’hôpital Virgen del
Rocío (SSVR), qui fournit annuellement quelque 10 millions de pesetas de cotisations
aux CCOO, ne dispose d’aucun type de budget.
Tous
les chiffres donnés ici – tant ceux qui concernent le nombre des affiliés
que le total des cotisations – ne le sont qu’à titre indicatif, puisqu’ils
dépendent tant de qui les donne que de leurs destinataires, mais, en tout état
de cause, ils suggèrent clairement que, plus on monte dans l’échelle hiérarchique
de l’organisation, plus les ressources économiques tendent à se concentrer.
1.3.
La UAR
Pour
l’essentiel, les cotisations sont recueillies de façon centralisée par un organisme
appelé la UAR (Unité administrative de recouvrement). C’est elle qui se charge
d’encaisser les cotisations et d’en distribuer les pourcentages qui reviennent
à chaque organisation du syndicat.
1.4.
Modalités du recouvrement
Il
existe deux formes principales de recouvrement : le prélèvement sur salaire
ou le prélèvement bancaire.
1.4.1.
Le prélèvement sur salaire
Il
est réalisé par l’entreprise elle-même. Sans qu’il en coûte rien au syndicat,
l’entrepreneur prélève le montant de la cotisation sur le salaire du travailleur
et le transfère sur le compte courant du syndicat auquel celui-ci est affilié.
La loi 11/85 de liberté syndicale (LOLS) oblige l’entrepreneur à réaliser cette
opération pour le compte de tout syndicat qui le lui demandera.
Pour
qu’on puisse procéder au prélèvement sur salaire, le travailleur doit donner au
préalable son consentement, dans un document signé de lui et remis à l’entrepreneur.
En cas de désaffiliation, il suivra la même démarche : il signifiera, par
écrit, son départ du syndicat et sollicitera auprès de son entreprise qu’on cesse
de lui déduire le montant de sa cotisation syndicale sur son salaire.
Grâce
à ce procédé, l’entreprise a l’avantage de posséder une liste de tous les adhérents
qui paient par prélèvement sur salaire et elle peut se faire une idée de la force
dont dispose chaque centrale.
Ce
type de prélèvement existe principalement dans les entreprises publiques ou au
sein de grandes sociétés.
1.4.2.
Paiement bancaire de la cotisation
Cette
modalité du paiement de la cotisation est très proche de l’antérieure. Le salarié
demande à sa banque d’accepter les autorisations de prélèvement que le syndicat
lui présentera régulièrement. De la sorte, la banque bénéficie de revenus réguliers.
Dans ce cas, les chiffres d’affiliation échappent à la connaissance des responsables
de l’entreprise : en revanche, ils sont connus de la banque concernée.
1.4.3.
Le paiement direct : “ payer le timbre syndical ”
Autrefois,
cela pouvait se faire de deux façons différentes :
1)
L’adhérent allait en personne à sa section syndicale ou au siège de son syndicat
et y remettait la quantité stipulée au délégué syndical.
2)
Le syndicat ou la section désignait parmi des militants volontaires des sections
ou des centres de travail ceux qui seraient chargés de recueillir les cotisations.
Ces personnes remettaient les sommes recueillies au responsable de section, qui
les transmettait à son tour au syndicat.
Ces
deux procédés de paiement direct peuvent coexister l’un avec l’autre. Ils peuvent
aussi coexister avec le paiement bancaire ou le prélèvement sur salaire. Mais
le paiement direct tombe peu à peu en désuétude et il n’existe plus que de façon
résiduelle.
1.5.
Choix du procédé de perception des cotisations
Pour
diverses raisons, tous les syndicats essaient d’éviter le paiement direct. Le
premier et principal motif procède de l’intérêt des organes exécutifs centraux
des syndicats. Recueillis dans les sections syndicales ou dans les syndicats provinciaux,
les fonds sont contrôlés par des organismes inférieurs, qui retiendront au passage
l’argent dont ils ont besoin pour leurs activités. Les membres des syndicats et
des sections syndicales considèrent comme une nécessité secondaire le fait de
verser la partie de la cotisation qui revient aux unions territoriales, aux fédérations
régionales et nationales de branche, à la confédération régionale et au comité
confédéral.
Tant
qu’existe le paiement direct de la cotisation, les permanents des organismes supérieurs
ne perçoivent jamais la totalité des sommes qui leur reviennent statutairement
ou, à tout le moins, ils les perçoivent en retard.
Par
l’entremise des procédés susnommés, l’argent des cotisations est donc versé, au
sein des CCOO, à un organisme central, l’UAR, qui se charge de reverser à chaque
structure de l’organisation la part qui lui revient. De la sorte, les comités
confédéraux, nationaux et régionaux, bien que dépourvus de tout contact avec les
adhérents, sont alimentés régulièrement, au contraire de ce qui se passe dans
le cas du paiement direct.
Le
paiement direct oblige à un contact périodique entre le travailleur et son syndicat.
L’adhérent peut parler avec d’autres camarades des questions qui le préoccupent
et éprouver, du coup, le sentiment, aussi minime qu’il soit, de son appartenance
à la communauté syndicale. Les permanents syndicaux ont une autre perception symbolique
des affiliés. Le versement régulier de fonds à la section syndicale ou au syndicat
provincial fait que le fonctionnaire syndical se sent obligé à l’endroit
de ceux qui le financent. Au contraire, le prélèvement sur salaire ou le prélèvement
bancaire éloignent le salarié du syndicat et augmentent sa dépendance à l’égard
d’organismes extérieurs, qui, à l’instar des entreprises et des entités financières,
sont perçus de surcroît comme des antagonistes des syndicats de classe. Par conséquent,
les permanents des sections syndicales et des syndicats passent symboliquement
sous la dépendance d’organes supérieurs qui peuvent à tout moment geler ou retenir
les cotisations.
Le
second motif qui explique le peu de goût des syndicats pour le paiement direct
de la cotisation vient du désir de leurs organes supérieurs de contrôler le nombre
des cotisants. Pour tenir leurs congrès, les syndicats doivent élire les délégués
qui y assisteront selon le nombre des cotisations déclarées. Avec le paiement
direct, les différentes organisations pouvaient retenir et occulter une partie
des cotisations, et concentrer les versements à l’organe supérieur pendant la
période de préparation du congrès : cela leur permettait, du coup, d’augmenter
artificiellement leur représentativité et de disposer d’un plus grand nombre de
délégués. Ce type d’artifice a été éliminé grâce au paiement centralisé et au
calcul de la moyenne des cotisations payées au syndicat au cours des quatre années
antérieures au congrès.
En
troisième lieu, le procédé du paiement direct rapporte moins que les autres procédés
susnommés. Payer directement suppose un effort pour le syndiqué, qui doit se déplacer
là où le paiement aura lieu. S’il a perdu tout intérêt pour les activités syndicales,
il peut cesser de payer sa cotisation et se retirer peu à peu des rangs de l’organisation.
Dans la majorité des cas, les salariés ne vont au siège du syndicat que quand
ils ont un problème : y aller pour verser sa cotisation est perçu comme une
gêne et une charge par nombre d’entre eux.
Si
c’est le délégué, en revanche, qui se déplace pour recueillir les cotisations
des mains mêmes du salarié, celui-ci peut ne pas avoir d’argent, ou d’appoint,
sur lui. Il peut ne pas être présent ce jour-là, et le délégué syndical se sera
déplacé pour rien. Il peut vouloir aussi que ses compagnons de travail ne le voient
pas cotiser à ce syndicat.
Avec
les autres moyens de paiement, le versement se fait de façon régulière – et
passive – sans effort aucun de la part des syndiqués ou des délégués syndicaux,
et contribue à réduire le nombre des démissions.
En
quatrième lieu, la collecte directe des cotisations représente une perte de ressources
humaines pour le syndicat, lequel doit disposer de collecteurs prêts à passer
plusieurs jours par mois à recueillir les cotisations, à constater les départs
et les arrivées des syndiqués et à lutter contre tous les contretemps.
1.6.
Importance de la cotisation
L’importance
de la cotisation ne vient pas seulement de ce qu’elle est source de financement,
mais aussi du fait qu’elle octroie un niveau de représentativité interne. La structure
qui, au sein du syndicat, peut se targuer d’avoir le plus de membres cotisants
(pas celle qui recueille le plus d’argent) dispose d’un plus grand nombre de délégués
quand l’organisation doit tenir un congrès et, par conséquent, d’un plus grand
nombre de votes grâce auxquels elle pourra imposer ses positions.
Cette
représentativité interne ne doit évidemment pas être confondue avec la représentativité
externe, qui concerne le rapport du syndicat à l’entreprise et à l’État, et dépend
du pourcentage de voix obtenues par l’organisation au cours des élections syndicales.
2.
Les subventions
Les
subventions sont des aides diverses perçues par les syndicats, en marge de leurs
cotisants ou de leurs activités, et qui procèdent d’autres organisations ou de
personnes extérieures à l’organisation. On peut les diviser :
–
selon la modalité de la perception ;
–
selon leur origine : patronales, publiques ou privées.
2.1.
Selon la modalité de perception
2.1.1.
Subventions monétaires
Selon
cette modalité, le syndicat reçoit une certaine quantité d’argent. Le syndicat
introduit ces quantités dans ses budgets et sa comptabilité. Il s’agit là de données
publiques qui peuvent être consultées.
Les
subventions monétaires peuvent se diviser, selon leur destination, en subventions
affectées (finalistas) et subventions libres (no finalistas).
Les
subventions affectées sont celles dont la destination est pré-déterminée par le
donateur. Ces subventions sont destinées, dans leur grande majorité, à la réalisation
de plans de formation. De même, on subventionne les voyages et l’assistance à
des négociations ou à des cours en prenant en charge les frais de déplacement,
de repas et de séjour.
Les
subventions libres sont celles que le syndicat peut consacrer aux fins qui lui
conviennent le plus, sans conditions préalables en provenance de l’entité donatrice.
2.1.2.
Subventions en nature
Dans
ce cas, le syndicat ne reçoit pas d’argent, mais bénéficie d’infrastructures,
de services, de mesures de soutien et de ressources humaines. Elles ne sont pas
comptabilisées dans les budgets du syndicat.
Les
infrastructures directes les plus communes sont constituées par les locaux syndicaux,
le mobilier, le téléphone, l’électricité, les photocopieuses, le papier, le matériel
de bureau, les salles de formation, les projecteurs de diapositives, etc.
Pour
les services, il peut s’agir du recouvrement sur salaire des cotisations, de cours
de formation pour les syndicalistes, du nettoyage et de la désinfection des locaux,
et, en général, de travaux réalisés pour le syndicat par des travailleurs qui
obéissent à des ordres de l’entreprise. Toutes ces activités déchargent l’organisation
syndicale de bon nombre de ses responsabilités et de ses tâches. Elles représentent,
évidemment, des économies appréciables pour le syndicat.
Les
mesures de soutien contribuent à améliorer l’efficacité et l’image du syndicat :
c’est le cas, par exemple, du dégrèvement de la cotisation syndicale dans la déclaration
d’impôts.
Les
ressources humaines cédées aux syndicats sont représentées par les “ détachements ”
institutionnels de syndicalistes, les heures syndicales ou crédit horaire, l’utilisation
de fonctionnaires dans le cadre de programmes de collaboration avec l’INEM ,
d’étudiants réalisant des stages pratiques dans les structures syndicales, les
accords d’encouragement à l’embauche, etc.
2.2.
Types de subventions selon leur origine
2.2.1.
Subventions publiques
L’État
et ses organismes (ministères, conseils généraux, mairies, communautés autonomes,
etc.) concèdent des subventions monétaires et en nature aux syndicats, selon les
résultats qu’ils obtiennent aux élections syndicales.
2.2.2.
Subventions patronales
La
Loi organique de liberté syndicale (LOLS) et le Statut des travailleurs obligent
les entrepreneurs à accorder des subventions aux organisations qui se présentent
aux élections syndicales, à proportion du nombre de travailleurs de l’entreprise
et du pourcentage de voix obtenues par les différents candidats.
En
outre, les entrepreneurs peuvent, après négociation avec les syndicats, améliorer
les conditions de la LOLS et la subvention qu’ils leur doivent.
2.2.3.
Subventions particulières
Il
s’agit, en l’occurrence, de celles qui procèdent d’autres organisations syndicales,
de fondations culturelles, de partis politiques, etc., ou encore de celles qui
viennent, en sus de la cotisation obligatoire, des militants eux-mêmes ou des
sympathisants de l’organisation.
2.3.
Quel est le total des subventions reçues annuellement par les syndicats espagnols ?
Il est
évidemment difficile de donner un chiffre exact. Les budgets de l’État ne déterminent
pas clairement le montant des subventions, qui sont du reste accordées par divers
organismes publics. De plus, les subventions en nature ne sont comptabilisées
nulle part.
Le
calcul approximatif des quantités reçues par les organisations syndicales espagnoles
devrait prendre en compte les éléments suivants :
2.3.1.
Valeur des subventions monétaires institutionnelles. Frais de déplacement, de
repas et de logement
Elles
sont concédées eu égard au pourcentage des voix obtenues dans les élections syndicales.
Dans son éditorial du 19 avril 1989, Diario 16 écrivait ceci : “ Le
rapport, censé être confidentiel, commandé par le chef du gouvernement Felipe
González à son ministre du Travail, indique que, au cours de la période où les
socialistes ont été au pouvoir, les syndicats ont reçu de l’État, d’une manière
ou d’une autre, un total d’environ 50 milliards de pesetas. ”
En
1993, la Loi des budgets généraux accordait 1,3 milliard de pesetas aux syndicats.
Des quantités similaires sont budgétées tous les ans. Mais on ne tient pas compte,
ici, d’autres sources de subventions, comme les frais de déplacement pour les
syndicalistes qui doivent se rendre aux réunions de négociation (soit 528 millions
de pesetas par ordre ministériel du 22 février 1993). On ne comptabilise pas non
plus les subventions concédées directement par les différents ministères, conseils
généraux, communautés autonomes, organismes autonomes, délégations institutionnelles,
aides extraordinaires accordées à l’occasion des élections syndicales, etc. Selon
le rapport demandé par Felipe González et publié en 1989, les syndicats espagnols
percevaient – toujours selon l’article susmentionné de Diario 16 –
aux alentours de 8 milliards de pesetas par an.
2.3.2.
Valeur des subventions en nature
Le
total approximatif des dépenses occasionnées par l’existence de 140 000 délégués
syndicaux issus des élections syndicales organisées au sein des 17 884 entreprises
de plus de 50 travailleurs pendant la période 1994-1997 tourne autour de 70 milliards
de pesetas par an. Et ce sans qu’on fasse entrer en ligne de compte les améliorations
de conventions, les délégués d’entreprises inférieures à moins de 50 salariés,
les délégués de sections syndicales, etc., difficilement comptabilisables.
Au
total, le chiffre des sommes versées aux organisations syndicales par les entreprises
espagnoles pour leur permettre de financer les activités des militants syndicaux
“ libérés ” tournerait, en comptant au plus juste, autour de 75 milliards
de pesetas (valeur de 1998). Mais il faut ajouter à ce chiffre les infrastructures
cédées en propriété ou en usufruit et les mesures dites de soutien.
2.3.3.
Infrastructures patronales
Il
existe, en Espagne, environ 3 000 entreprises de plus de 250 travailleurs,
qui emploient en tout quelque 3,2 millions de salariés. L’article 8.2.C de la
LOLS fait obligation à ces entreprises de céder en usufruit à chacune des sections
qui se présentent aux élections syndicales un local – la plupart du temps,
une pièce de 10 à 20 mètres carrés – pour qu’elles puissent y mener leurs
activités. Ces salles ont toujours l’électricité et sont entretenues par l’entreprise.
La climatisation, le téléphone, le nettoyage, le mobilier, etc., sont généralement
à la charge des entreprises.
Il
est difficile de quantifier le nombre de locaux de ce genre, leur superficie et
la valeur locative de ces bureaux. Pour pouvoir calculer ce total, il faudrait
disposer de données sur :
a)
le nombre des listes qui se présentent dans les entreprises de plus de 250 salariés ;
b) le
pourcentage des voix obtenues par les listes en présence ;
c)
le nombre de locaux syndicaux ;
d)
leur surface moyenne ;
e)
leur valeur locative et la valeur des dépenses d’entretien de ces locaux.
La
tâche est pour le moins ardue : en tout état de cause, elle excède les objectifs
de la présente étude.
2.3.4.
Valeur des mesures de soutien
Comme
dans le cas précédent, elles sont difficiles à estimer globalement.
2.3.5.
Subventions en nature et infrastructures publiques. Le patrimoine historique et
le patrimoine accumulé
On
appelle “ patrimoine historique ” l’ensemble des biens qui étaient la
propriété des syndicats avant la fin de la guerre civile. La victoire du franquisme
entraîna la destruction de ces organisations et l’expropriation de leurs locaux,
archives, machines, rotatives, terres et comptes courants, etc. Ce patrimoine
s’élevait à des dizaines de milliards, surtout pour ce qui concerne l’UGT et la
CNT. La venue de la démocratie et sa politique fondée sur le principe “ on
efface tout et on recommence ” devait signifier la restitution à leurs anciens
propriétaires des biens immeubles expropriés par le franquisme ou, à défaut, du
versement d’une compensation économique. Au cours de son mandat, le gouvernement
socialiste a rendu 4 milliards à l’UGT et 248 millions à la CNT.
Au-delà
du critère strictement économique, le patrimoine historique est également constitué
par les vies perdues dans la défense des idéaux incarnés par les différentes tendances
de l’Espagne républicaine, ainsi que la mémoire historique de ces événements,
enterrés par l’historiographie franquiste mais aussi par la Transition démocratique.
En
revanche, le patrimoine accumulé procède du syndicat vertical franquiste, baptisé
de la sorte parce qu’il regroupait les patrons et les ouvriers dans ce qu’on appelait
alors “ sections économiques et sociales ”. Ce syndicat était financé
par l’entremise d’une cotisation obligatoire : par conséquent, il fut établi
à partir des fonds qui émanaient de tous les travailleurs, directement ou par
le biais de l’extraction patronale de la plus-value, sans qu’ils appartiennent
à un syndicat particulier.
Avec
l’instauration d’un régime garantissant toutes les libertés formelles, les premiers
gouvernements du post-franquisme ont dû affronter le problème de la cession partielle
du patrimoine accumulé aux organisations syndicales.
Essayant
de la mettre en œuvre, le ministère du Travail fit, en 1995, une liste des immeubles
du patrimoine accumulé, évalua leur valeur aux prix de 1990, les surfaces occupées
et le nom de leurs occupants.
Le
ministère du Travail évalua les 314 685 m2 occupés par les centrales
à environ 16 milliards de pesetas, en partant d’une moyenne de 50 842 pesetas
par mètre carré pour des locaux qui sont souvent en centre-ville et dans de beaux
quartiers. Cette estimation est très loin des prix (125 000/175 000
pesetas par mètre carré) habituels pour les immeubles de bureaux à Séville. Par
conséquent, les 7 212 m2 cédés à l’UGT, les 5 425 m2 des CCOO et les 770 m2 de la CGT à Séville ne peuvent pas être évalués
à 385, 213 et 10 millions de pesetas respectivement, comme le faisait le ministère
du Travail en 1995, mais bien plutôt à 901, 678 et 96 millions de pesetas, au
minimum.
Quelques
exemples
Organisations _________
m2___________________ pesetas (valeur 1990)
UGT _____________ 153 642 _________________ 7,9 milliards
CCOO_____________ 137 420 _________________ 6,8 milliards
CEOE ________ 61 622 _________________ 3,2 milliards
CGT______________
6 196 _________________ 322 millions
CIG _________ 5 070 _________________ 258 millions
USO______________
5 950 _________________ 269 millions
ELA-STV ____
5 368 _________________ 357 millions
CNT______________
600 __________________ 34 millions
LAB ________
25 ___________________ 1,7 million
(Tableau
élaboré par l’auteur lui-même)
Ces
immeubles sont cédés par l’État en usufruit : les syndicats n’en ont pas
la propriété, mais ils peuvent en faire usage sans avoir à engager la moindre
dépense, avec l’autorisation du propriétaire. Si les centrales majoritaires devaient
acquérir ou louer ces locaux, elles hypothéqueraient leur développement pour des
décennies. Et il ne s’agit pas seulement de locaux, mais aussi de surfaces communes,
de salles des fêtes, de salles de conférences ou de réunions et même de boutiques.
Il serait presque impossible aux CCOO de débourser tous les mois un milliard de
pesetas pour la location des locaux dont elles disposent.
La
cession en usufruit des locaux aux syndicats a évidemment des aspects positifs
et négatifs. S’il est clair que les CCOO et l’UGT, principalement, sont parvenues
à étoffer leurs structures organisationnelles grâce à cette subvention en nature,
il n’est pas moins vrai qu’elle les rend, dans le même temps, vulnérables et dépendants
à l’égard de l’État. Depuis le début de la Transition jusqu’à l’époque actuelle,
les syndicats espagnols auraient eu, sans nul doute, l’occasion de se constituer
un patrimoine immobilier qui leur fait cruellement défaut aujourd’hui. Si un gouvernement
décidait de vendre les locaux qui leur sont cédés en usufruit ou de les dédier
à d’autres fins, les syndicats se retrouveraient tout à coup dans une situation
très délicate, sans patrimoine immobilier propre, et devraient repartir de zéro.
2.4.
Autres sources de financement
2.4.1.
Redevance syndicale ou redevance de négociation
À
travers la redevance de négociation pour les conventions collectives (article
11.1 de la LOLS), le syndicat fait payer au salarié une certaine quantité d’argent
pour la négociation des conventions collectives. Il s’agit là d’une forme de financement
qui, bien que légale, est très peu employée. Il y faut le consentement écrit des
salariés, et il n’est guère facile de l’obtenir. Elle est impopulaire et porte
préjudice à l’image des syndicats, étant donné les maigres résultats qu’ils tirent
d’ordinaire de leurs négociations avec les patrons.
Une
autre modalité de ce type de financement est l’inclusion dans les conventions,
les accords et les pactes, de clauses de paiement par lesquelles l’entreprise
remet au syndicat plusieurs millions de pesetas. Le scandale provoqué par certaines
affaires rapportées dans la presse a incité les syndicats à la plus grande prudence
en ce domaine, puisqu’il se trouve que les affaires dénoncées sont toujours venues
après des plans sociaux et des licenciements. La conséquence en est que ce procédé
de financement est assimilé à une sorte de pot-de-vin versé par les patrons aux
syndicats contre le permis de licencier des salariés.
À
la page 52 de son édition du 17 janvier 1997, le quotidien El País écrivait
ceci : “ Les syndicats CCOO, UGT et CGT ont reçu 20 millions de pesetas
de la multinationale française Péchiney juste après la signature d’un accord concernant
le licenciement de 120 salariés de son usine de Barcelone. L’entreprise a confirmé
hier avoir versé un chèque de 17 millions de pesetas plus l’IVA, où l’on spécifie
les sommes correspondant à chaque syndicat […]. “L’accord a été signé avec les
syndicats dans le cadre de notre plan pour remettre l’entreprise à flot”, a ajouté
le même porte-parole […]. ”
On
y lit aussi que la CGT a reçu 2,6 millions de pesetas, l’UGT 1,6 million, et que
le reste est allé aux CCOO, la centrale qui s’est chargée de la plus grande part
des travaux pour préparer le plan social. Ces fonds ont été versés à titre de
“ dépenses d’assistance aux travailleurs ”.
Le
journal fait savoir enfin que la CGT, qui a signé l’accord, a remis les fonds
reçus aux salariés pour qu’ils se les partagent. La CGT en a profité pour dénoncer
la pratique du paiement de la “ redevance de négociation ” comme quelque
chose d’habituel au sein des syndicats. Quant aux CCOO, ses responsables s’en
sont expliqués en affirmant que, si l’entreprise n’avait pas payé, le plan social
alternatif aurait dû être payé par les salariés non affiliés aux syndicats.
Des
plans sociaux similaires ont été mis en œuvre dans des entreprises comme SKF,
Elcano, Repsol, Campsa et Femsa Enfersa. D’un point de vue syndical, ils signifient
qu’on accepte comme inévitable la perte d’emplois, et qu’il ne reste d’autre solution
que de collaborer avec l’entreprise à la recherche de la solution la moins mauvaise
possible. Les cabinets juridiques des syndicats élaborent des plans alternatifs
de réduction d’emplois et ils facturent leurs services, puisque la plupart des
cabinets juridiques liés aux syndicats font payer des honoraires aux travailleurs
auxquels ils prêtent assistance, qu’ils soient syndiqués ou pas.
2.4.2.
Entreprises syndicales
En
Espagne, des compagnies d’assurances, des agences de voyages, des entreprises
du bâtiment, etc., liées aux syndicats procurent des fonds aux syndicats, ou pas,
selon les variations du marché. Qu’on se rappelle l’affaire du “ désastre
PSV ”,
où seule l’intervention de l’État évita la banqueroute à l’UGT grâce à l’injection
de milliards de pesetas pris sur le compte du “ patrimoine historique ”
de ce syndicat.
2.4.3.
Paiement des services
L’assistance
juridique et les cours de formation, auxquels les syndicats accordent une grande
importance, représentent une autre source de financement pour eux. Mais les choses
ne s’arrêtent pas là, puisque d’autres services apparaissent constamment, à l’instar
de la “ carte ouvrière ”. Le quotidien El País, dans son numéro
du 21 novembre 1998, informait de l’existence d’une nouvelle modalité de financement,
pour laquelle les CCOO venaient de signer un accord de collaboration avec l’entité
financière Caja Madrid. Une partie des revenus liés aux commissions générées par
ces cartes ouvrières sert à financer le syndicat.
Mais
les revenus les plus importants viennent de la gestion des cours de formation
professionnelle. El Mundo du 6 février 1998 (p. 39) donnait le montant
distribué par la FORCEM (la fondation chargée de ces cours, à laquelle participent
l’administration ainsi que les organisations patronales et syndicales) en 1997,
soit 104 milliards de pesetas, qui se répartissaient de la sorte : 20 %
pour l’UGT, 19 % pour les CCOO, 1 % pour la CIG, 36 % pour la CEOE
et les 24% restants allaient à des organisations non déterminées. Cet argent vient
du 0,7 % qu’on retient sur la fiche de salaire de chaque travailleur, au
titre de la formation, dont 0,1 % payé par le salarié et 0,6 % par l’entreprise.
3.
L’existence économique d’un syndicat
Voici
donc tout ce qu’on peut dire, en général, du financement des syndicats espagnols.
Si le lecteur se donnait le mal de faire quelques additions concernant les aides
en espèces et en nature, il tomberait sur un total assez vertigineux, supérieur
à 600 millions d’euros.
Comment
ces sommes sont-elles distribuées ? Si on regarde de près les budgets syndicaux,
il appert très clairement que c’est dans les organes territoriaux que se concentrent
les plus grandes ressources. Plus l’organe en question est élevé et plus il en
concentre. Il faut, en outre, tenir compte du fait que les budgets n’épuisent
pas tous les fonds existants. Il existe ainsi des subventions affectées (finalistas) qui apparaissent dans d’autres rubriques comptables que le budget. Par exemple,
les subventions publiques (150 millions de pesetas) d’encouragement à l’embauche
délivrées en 1996 afin de donner un emploi à 93 travailleurs à travers toute la
structure andalouse des CCOO, tant au niveau territorial que de branche, ou encore
le milliard et demi de pesetas qui devait aller en 1996 à des programmes spécifiques
de formation et autres subventions affectées, les fonds en provenance du programme
Temps libre (plus de 312 millions de pesetas valeur de 1994 et 1995 sur le territoire
correspondant à l’implantation des COAN) apparaissent dans d’autres rubriques
comptables que le budget.
La
comptabilité d’un syndicat doit, en conséquence, être considérée de façon globale,
si possible, en commençant par la base, et pas seulement à partir des chiffres
d’un budget officiel. Nous conclurons sur l’analyse des CCOO du secteur de la
santé.
3.1.
Base économique des sections syndicales
Les
CCOO ne destinent aucun pourcentage de la cotisation aux sections syndicales du
secteur de la santé. Si une section a besoin de réaliser quelques dépenses, elle
doit demander l’argent à son syndicat provincial, et le secrétaire de l’organisation
doit donner son autorisation. Ce manque de budget propre est dû au fait que les
sections syndicales sont financées par l’entreprise elle-même. S’agissant de la
section syndicale de l’hôpital Virgen del Rocío, elle l’est par le SAS (Service
andalou de santé). Si la section ne disposait pas de cette infrastructure gratuite,
son budget annuel se présenterait comme suit :
Dépenses
Salaires
des sept salariés “ détachés ”… 21 000 000 pesetas
Paiement
du loyer……………………. 480 000
-
Téléphone……………………………
90 000 -
Électricité…………………………….
90 000 -
Photocopies
et bulletin………………. 350 000
-
Dépenses
diverses…………………… 100 000
-
Total…………………………………
22 110 000 -
Revenus
Cotisations……………………………
9 600 000 pesetas
Total………………………………….
9 600 000 -
Bilan
annuel ………………… - 12 510 000 pesetas
Il
s’agit en l’occurrence d’un budget modéré. Le bilan montre, à l’évidence, que,
sans les aides publiques, le syndicat devrait se déclarer en faillite et disparaître
ou bien reconsidérer ses activités pour viser à dépenser moins.
3.2.
La base économique du syndicat provincial
Les
dépenses budgétaires du SPTS sont de 8 à 9 millions de pesetas par an. Si on y
ajoutait les salaires des huit syndicalistes détachés de l’équipe dite “ stable ”
ou “ permanente ” – également payés par le SAS –, plus le
montant du loyer du local occupé au titre du patrimoine accumulé, plus le salaire
de l’employée embauchée par la section, le total des dépenses s’élèverait à quelque
32 millions de pesetas (valeur de 1998). Cela supposerait donc un déficit de 24
millions de pesetas et, partant, la disparition totale du syndicat tel qu’il existe
actuellement.
3.3.
Répercussion sur le reste des structures des CCOO
Étant
donné que l’affiliation au syndicat se fait essentiellement dans les sections
syndicales et les syndicats provinciaux, la faillite de ces organisations signifierait
à terme l’effondrement absolu des CCOO. Les pourcentages des cotisations dues
ne remonteraient plus vers le haut de la pyramide et le syndicat serait dans l’obligation
de licencier les 2 200 salariés que, selon le rapport du Comité confédéral,
il prétendait avoir sur l’ensemble du territoire en 1996. Il ne pourrait plus
se payer le luxe d’avoir les 600 “ libérés ” (827 225 heures syndicales/an,
soit l’équivalent de 1,8 milliard de pesetas) déclarés par la Fédération nationale
de la santé. Une telle chose ne serait plus possible, même dans les rêves les
plus fous du secrétaire le plus imaginatif à l’organisation et aux finances des
CCOO.
3.4.
Implications du financement actuel des syndicats
La
première conséquence de tous ces chiffres est que le syndicalisme espagnol est
financé par des ressources exogènes, qui procèdent directement ou indirectement
des structures de l’État, dont les dispositions légales contraignent les entreprises
espagnoles à financer les syndicats. La perte de ces subventions, de quelque nature
qu’elles soient, impliquerait la disparition de ces derniers et obligerait les
travailleurs à chercher des formules d’organisation moins onéreuses.
Le
seconde conséquence est que cette dépendance économique entame l’indépendance
politique des syndicats : qui paie commande ou, au moins, essaie de commander
et de fixer les règles du jeu.
Ce
n’est pas que l’État donne les lignes directrices de l’activité syndicale de façon
ouverte, comme il peut le faire à l’égard du président du SAS, par exemple. Ce
qu’il fait, c’est délimiter les règles non écrites du jeu, de sorte que celui-ci
qui ne les respecte pas est expulsé du terrain et ne peut plus jouer.
En
ce sens, on peut dire que les syndicats ont face à l’État la même position qu’un
enfant devant ses parents. L’enfant peut bien protester, rentrer tard chez lui
et, dans le pire et le moins fréquent des cas, faire endurer un vrai calvaire
à ses parents. Mais, en dernière instance, il fera toujours ce que le possesseur
des ressources économiques lui dira de faire, parce qu’il a tout intérêt à ce
qu’il existe toujours un père pour lui payer ses activités. Il ne remettra pas
en question l’existence du père et fera en sorte de ne jamais dépasser certaines
limites, sous peine de se voir expulser du logis familial.
Bien
entendu, dans la relation État/syndicats, il n’y a pas ce lien affectif et amoureux
qui oblige moralement un père à supporter un fils rebelle : la relation de
l’État avec les syndicats est, elle, purement instrumentale. Il les finance parce
qu’il considère qu’ils ont une mission à remplir dans la société espagnole et
qu’une démocratie légitimée est impensable sans l’existence de syndicats stables.
La troisième
conséquence est que tous les syndicats ont accepté un modèle d’organisation interne
fondé sur le recours à des fonctionnaires “ détachés ”, des spécialistes,
payés par des organisations étrangères au syndicat lui-même.
Il
ne s’agit pas en l’occurrence d’un fait isolé, mais d’une norme de financement.
Tous les syndicats qui se présentent aux élections syndicales et qui disposent
d’un personnel salarié se financent de la sorte.
Les
élections syndicales
Ayant
suivi – avec un œil d’anthropologue mais aussi de syndicaliste, soit avec
la raison du scientifique et le cœur d’un travailleur – le processus des
élections syndicales qui eurent lieu en 1998 au sein de l’hôpital Virgen del Rocío,
et analysé l’ensemble des documents syndicaux disponibles concernant l’action
et les structures syndicales, la démocratie interne, la formation professionnelle,
etc., nous en avons extrait ce qu’on pourrait appeler le portrait-robot ou le
profil du syndicalisme d’État à l’occasion d’une lutte électorale, qu’on peut
présenter comme suit :
a)
Le processus électoral – comme le reste de l’activité syndicale proprement
dite – se déroule hors de la participation des travailleurs, lesquels n’y
prêtent qu’une attention très limitée. Ils le regardent comme une procédure étrangère
à leurs intérêts, strictement réservée à certaines organisations qui y voient
un instrument de légitimation et le moyen d’obtenir les ressources dont elles
ont besoin pour vivre. Les salariés ne lisent pas les feuilles d’information et
assistent à peine aux rares réunions publiques annoncées. Ils ne se tiennent pas
au courant des polémiques entre syndicats et ne comparent pas les programmes des
uns et des autres. Enfin, ils votent très peu : au bout du compte, c’est
toujours l’abstention qui triomphe.
Mais
ce n’est pas tout : le processus électoral peut se faire sans la participation
de la base syndicale elle-même, des ouvriers affiliés aux syndicats, lesquels
ne jouent pratiquement aucun rôle actif dans la campagne (tout procède du haut,
aussi bien les consignes que les affiches, les programmes que la stratégie). Dans
le meilleur des cas, on aura recours à eux en tant que main-d’œuvre ou
comme volontaires, pour coller des affiches, par exemple. Le processus
met crûment en lumière le divorce existant entre la classe travailleuse et les
organisations qui sont censées la représenter…
b)
S’il est, en revanche, un point important, c’est le rôle qu’y jouent les permanents,
probablement la clé de voûte du syndicalisme d’État. Les seuls qui s’impliquent
personnellement dans la lutte électorale – bien que toujours dépendants des
ordres de l’organe supérieur, respectueux de la hiérarchie, dotés d’une autonomie
illusoire qui s’évanouit devant la moindre situation conflictuelle, hommes-outils
au service de la direction –, ce sont ces professionnels du syndicalisme,
moitié politiciens et moitié bureaucrates, payés en grande partie par l’Administration,
qui n’ont pas été élus directement par les travailleurs, qui ont cessé de travailler
et qui, pour beaucoup d’entre eux, défendent leurs propres intérêts avant ceux
de l’organisation qui les a émancipés du travail et de ceux des travailleurs qu’ils
sont supposés représenter. Ce sont eux qui contrôlent l’information, qui accumulent
expérience et savoir dans les affrontements partidaires, et font montre d’un art
consommé dans le maniement des réunions publiques et des assemblées. En tant que
charnière entre l’État et les syndicats – rémunérés par celui-là pour servir
ces derniers, séparés de l’ensemble des travailleurs et non comptables de leurs
actes devant eux –, l’existence du collectif des permanents ne fait que confirmer
le fait que, une fois rompu le cordon ombilical qui les unissait aux travailleurs,
les organisations syndicales ont uni leur destin à celui de la structure d’État
qui les subventionne et les protège.
c)
Tout au long de la campagne électorale, les procédures démocratiques qui devraient
être la voie par excellence de la participation des travailleurs – au moins
des salariés affiliés – brillent par leur absence (les questions syndicales
les plus importantes, relatives aux discours, aux programmes, aux consignes, etc.,
sont résolues par les dirigeants, par les élites des syndicats, avant d’être
imposées ensuite à leur base) quand elles ne sont pas sont systématiquement
faussées dans leur fonctionnement : les assemblées ouvertes aux militants,
aux sympathisants, aux travailleurs en général, sont manipulées au préalable du
dehors, par ceux qui en écrivent à l’avance le scénario et la fin inéluctable,
et ne servent qu’à fournir un faux-semblant de légitimation démocratique. Dans
cette pseudo-consultation démocratique interviennent activement les permanents,
des hommes et des femmes passés maîtres dans l’art du contrôle des assemblées,
de la persuasion des indécis et des ignorants, de ce petit coup de pouce qui nuance
voire transforme le sentiment majoritaire, dans l’art des mises en scène, des
stratagèmes arithmétiques, etc. Le reste, ce fond de démocratie qui caractérisait
– du moins sur le papier – le fonctionnement du syndicat, est, dans
la pratique, réduit à néant et effacé.
d)
Les rendez-vous électoraux ne sont pas, en général, le lieu d’une lutte d’idées,
d’un affrontement de propositions alternatives, d’un antagonisme de doctrines,
mais une sorte de rituel au cours duquel toutes les formations disent pratiquement
la même chose, à quelques petites différences près : nuances, accent mis
sur tel ou tel autre point, mais surtout dans la mise en scène, le marketing,
l’image, la stratégie publicitaire, etc. Ce qui devrait être un lieu d’affrontement
entre idéologies opposées a cédé la place à une mesquine rivalité de propositions
purement scénographiques, avec leurs messages subliminaux, leurs jeux de signes,
etc., inspirés d’ordinaire par les techniques de manipulation de la sentimentalité
propres à la publicité commerciale et aux élections à l’américaine. Dans la préparation
et la supervision de la campagne, techniciens, experts en image, conseillers, public relations, communicants, etc., occupent la place des idéologues
qui inspiraient les syndicalistes d’autrefois. Il en résulte que le travailleur
est pratiquement considéré comme un client potentiel, un consommateur qui doit
choisir entre les syndicats comme entre des marques différentes, un usager, une
conscience qu’il convient de séduire, qu’il faut captiver, une voix qu’il faut
attirer dans les urnes. Finalement, le salarié devient lui-même une sorte de produit,
un objet de consommation que le syndicat se doit d’acquérir, une fois qu’il en
aura défini le profil en tant que votant.
e)
À l’instar des élections générales dans les pays dits démocratiques, les élections
syndicales offrent, d’un point de vue éthique, un spectacle dégradant, surprenant,
incroyable même, qui vérifie la vieille maxime selon laquelle la fin justifie
tous les moyens et donne des arguments à ceux qui pensent que tout pouvoir corrompt.
Les tactiques pour attirer les voix sont proprement honteuses et ne s’arrêtent
devant rien, l’assassinat physique excepté. En revanche, on n’hésite pas à recourir
au mensonge, à la subornation plus ou moins évidente, à la contrainte, à l’assassinat
politique même. Tout est bon pour compléter une liste de candidats et pour que
les formations rivales ne puissent, elles, disposer du nombre requis de candidats.
Les insultes, les dénonciations, les mises en cause, etc., sont monnaie courante,
comme un outil de plus de la lutte électorale, des expédients auxquels on recourt
avec ou sans raison, avec ou sans fondement, au nom de la vérité ou pas. Les syndicats
rivaux sont conçus comme de véritables ennemis et on mène contre eux une sorte
de guerre sale qui inclut l’obstruction des campagnes de l’autre, la destruction
de sa propagande, l’injure, la diffamation, l’insulte, l’ironie, etc. Ce manque
d’honnêteté, de pudeur, de moralité, d’intégrité – caractéristique de la
plupart des hommes publics, politiciens ou syndicalistes d’État –, perçu
quotidiennement par les travailleurs, amplifié et souligné au cours des processus
électoraux n’est évidemment pas étranger au discrédit croissant des organisations
syndicales et au peu de sympathie qu’elles suscitent chez les ouvriers.
f)
Bien que les syndicats se définissent eux-mêmes comme les représentants des travailleurs,
comme les défenseurs de leurs intérêts, le véhicule de leurs demandes et le miroir
de leur volonté, on n’en constate pas moins que les programmes électoraux de ces
organisations procèdent à une purge des aspirations de la base, filtrent ses motifs
de mécontentement, sélectionnent et finalement imposent les objectifs pour lesquels
il importe de lutter, les améliorations qu’il faut conquérir, le contenu et la
forme des revendications populaires. Comme les organisations syndicales se sont
intégrées aux structures de l’État et mènent leurs activités dans l’orbite de
l’entreprise – c’est-à-dire dans la perspective de l’acceptation de la loi
et de la sauvegarde de la propriété –, il n’y a rien d’étonnant à ce que
ce travail de purge, de filtre ou d’imposition obéisse à une logique de reproduction
du système capitaliste et qu’on ait extirpé des programmes électoraux jusqu’à
la moindre réminiscence des projets de transformation sociale. Par conséquent,
les programmes électoraux se constituent toujours autour de messages politiquement
inoffensifs, socialement anodins, idéologiquement insignifiants, autour de ce
qui facilite l’accommodement des travailleurs au système qui les exploite, en
les neutralisant en tant qu’agents de la critique radicale et de la protestation :
hausses salariales (à condition qu’elles ne déséquilibrent pas les bilans), amélioration
des conditions de travail (mais sans qu’on touche à la hiérarchie existante),
réduction de la journée de travail (mais en maintenant ou en augmentant la productivité),
stabilité de l’emploi (mais en excluant des millions de chômeurs), etc.
L’image
des travailleurs que projette le syndicalisme d’État n’est pas, bien sûr, absolument
dénuée de fondements, arbitraire ou gratuite, une simple invention ou un mensonge.
En revanche, elle est une image déformée, retouchée, d’où on a enlevé de nombreux
détails et accentué quelques autres. Les programmes électoraux – tous identiques
ou à peu près – reflètent les aspirations de ce travailleur rectifié et contribuent dans le même temps à sa généralisation. Ce que la pratique syndicale
finit par mettre sur la table, ce n’est pas, sans plus, la volonté et les sentiments
des travailleurs, leurs intérêts, leurs jours et leurs nuits, leur misère
et leur splendeur.
g)
Tout au long de la campagne électorale, chaque organisation cherche à se présenter
comme une entité unitaire, un bloc compact, un ensemble harmonieux et sans fissures.
Cependant, la lutte électorale alimente habituellement les dissensions internes,
les motifs de désaccord, les différends politiques et idéologiques, la guerre
des coteries qui, en secret et à huis clos, de façon latente ou patente, se déroule
dans chaque formation. Par exemple, la lutte entre le secteur officiel (oficialistas) et le secteur critique (críticos) – les deux sensibilités dominantes
au sein des CCOO – est réactivée au cours des processus électoraux, qui fournissent
à l’opposition de nombreuses occasions de se manifester : les programmes,
les affiches, les consignes, les stratégies, les dynamiques, les directrices,
les complots, etc., sont autant de manifestations de ces luttes d’appareil. Toutefois,
il s’agit là d’une horreur aimable, d’un affrontement vivifiant, salutaire,
indispensable même pour l’organisation. Il n’est pas question, en l’occurrence,
d’une lutte véritable mais d’un simulacre de lutte, d’une sorte de divertissement,
de distraction, d’une guerre truquée qui ne remet jamais en question les fondements
du syndicalisme d’État ni n’oppose une véritable critique à l’organisation concernée.
Tout cela n’est guère plus qu’une dispute de cour d’école, une querelle de poulailler,
mais c’est aussi quelque chose de plus : à savoir un expédient pour rénover
l’organisation et lui éviter la sclérose, l’ennui, la paralysie, à la manière
d’un stimulus interne. Les syndicats ont besoin d’une fraction de dissidence interne
afin de donner à l’extérieur une apparence de tolérance et de pluralisme, de ne
pas se fossiliser et de conjurer la possibilité d’une véritable critique externe,
qui pourrait faire montre d’un antisyndicalisme belligérant.
h)
De la même façon que les factions “ critiques ” des syndicats d’État
se révèlent parfaitement acritiques à l’égard des dogmes du syndicalisme d’État,
l’autocritique syndicale face à un échec électoral brille par sa pauvreté et son
manque total de substance. C’est une autocritique timorée, peureuse, obsédée par
le souci de ne pas affaiblir un syndicalisme déjà bien faible et de sauver le
modèle dominant du syndicalisme. Plus que d’autocritique, il faudrait parler en
l’occurrence de pseudo-critique. Elle peut influer sur quelques détails de la
stratégie, de la tactique, du message, du marketing des organisations dominantes.
Elle peut viser, à l’occasion, à faire porter la responsabilité aux ouvriers eux-mêmes.
Cette pseudo-critique peut aussi être reportée indéfiniment, dans l’attente de
quelque rapport “ technique ” à venir ou d’une évaluation “ qualifiée ”.
Elle peut s’orner de nobles projets d’amendement, où on jure ses grands dieux
qu’on ne refera pas les mêmes erreurs, qu’on a appris la leçon… et pas grand-chose
d’autre. Il n’y a rien, en vérité, qui ressemble à une analyse proprement dite
des résultats des élections (causes du retrait des salariés, de l’abstentionnisme,
de la spécialisation syndicale, de la fragmentation du monde du travail, etc.)
et rien n’est fait pour tenter de comprendre ce qui va substantiellement mal dans
le syndicalisme d’État : désaffection des travailleurs, absence de démocratie
interne, confusion idéologique, identification avec l’État, connivence avec les
intérêts du patronat et de l’administration, farce participative, etc. Régis par
une sorte de sens commun syndicaliste, les jugements habituels sur les mauvais
résultats ne garantissent absolument pas que l’organisation puisse changer de
cap et ne témoignent pas plus d’une prise de conscience, aussi minime qu’elle
soit, des tares fondamentales de l’organisation. Remarques de pure forme,
visant toujours à l’auto-justification, ces jugements suggèrent en vérité une
seule et même idée : à savoir que l’organisation a dû faire quelque chose
de mal, mais qu’elle reste bonne en elle-même.
i)
Comme conséquence du modèle de pratique syndical existant de nos jours, nous avons
assisté au surgissement d’un type psychologique nouveau, une nouvelle forme de
subjectivité, une structure caractérologique inédite : le syndicaliste d’État.
Tout au long de notre étude, nous avons offert des scènes, des témoignages, des
expressions qui tendent à définir son profil psychologique et social. Il y a des
syndicalistes de tout type, qui ont entre eux des différences d’idéologie, de
personnalité, etc., mais le fait de partager une même façon de vivre, un même
métier, des privilèges et des obligations identiques, le fait de devoir se réunir,
de se chercher les uns les autres, en tissant des liens d’affection, en se défendant
mutuellement, tout cela a déterminé l’apparition de régularités, de similitudes,
de signes d’identité communs, un certain profil psychologique, ce qu’on appelle
parfois un caractère social ou un habitus. Pour pouvoir faire du syndicaliste
un type psychologique particulier, il a fallu cette stratégie de la ségrégation,
de la séparation d’avec le monde du travail, c’est-à-dire ce privilège du “ détachement ”.
À partir de là, de la délivrance du travail, de cette manumission que lui accorde
l’État, le syndicaliste établit de nouvelles relations avec les travailleurs,
qui sont de plus en plus considérés du dehors, à partir d’autres instances, la
politique, l’entreprise… Devenu un professionnel de la politique syndicale, avec
des tâches à réaliser et un salaire pour récompenser ce travail, avec d’autres
compagnons de travail, d’autres thèmes de conversation, d’autres préoccupations,
un autre mode de vie, le permanent se dé-classe, se dé-prolétarise, et s’installe
dans un territoire psychologique et social différent. On peut discuter de ce qu’il
est et de comment il est ce qu’il est : en revanche, on sait bien qu’il n’est
plus un travailleur. La perception qu’il a des salariés devient ambiguë, complexe,
faite de reproches, de sympathies lointaines, de distance, de ressentiment, de
désirs frustrés, etc. Mais sa perception du syndicat peut changer aussi :
il se considère en dette à son égard, pour la chance que l’organisation lui a
donnée, mais il peut concevoir le même sentiment à l’égard de l’État, de l’entreprise
elle-même…
Voilà
sans doute un sujet qui pourrait intéresser la psychologie sociale. En ce qui
concerne notre travail, nous n’avons fait que constater l’émergence du syndicaliste
comme caractère social, comme structure de la personnalité, comme disposition
caractérologique : un ex-travailleur, un non-travailleur, au service d’un
artefact étatique et patronal.
Conclusion
Les
syndicats de l’hôpital Virgen del Rocío ne constituent qu’un exemple, une manifestation
particulière du modèle dominant de syndicalisme. Ils partagent avec les syndicats
des autres entreprises du pays (et avec les organisations bureaucratiques dans
le cadre desquelles ils évoluent) une façon de comprendre et de mettre en œuvre
leurs pratiques quotidiennes qui, soutenues par l’État et admises par les entreprises,
subventionnées, publicisées, et presque imposées, ne laissent pratiquement
plus d’espace pour une formule alternative d’organisation ouvrière. Comment en
est-on arrivé à l’hégémonie quasi absolue de ce modèle, au point qu’il soit devenu
pratiquement la seule offre pour les travailleurs ? Comment est-il parvenu
à remplacer – et à vouer à l’oubli – les modèles différents, les formules
antagoniques, les autres possibilités d’organisation et de lutte des travailleurs ?
C’est là sans aucun doute un problème historique qui échappait largement au cadre
de ce travail. Nous avons apporté, dans notre introduction historique ,
quelques éléments pour la réflexion et marqué quelques-uns des moments décisifs de ce processus d’hégémonie absolue du syndicalisme d’État, en le mettant en liaison
avec certaines circonstances historiques liées au franquisme et à la Transition
démocratique, mais seule une analyse globale, qui parvienne à conjuguer les facteurs
économiques, sociaux, politiques, idéologiques, mentaux, pourrait fournir une
réponse à cette question : comment est-on passé d’un syndicalisme de mobilisation,
opposé à l’État, démocratique par vocation, autofinancé, négateur du capitalisme,
à ce syndicalisme de gestion, dépendant de l’État, antidémocratique, financé
par les gouvernements et les patrons, soucieux d’adapter les masses au capitalisme ?
S’agissant
du cas espagnol, la question présente un intérêt qu’il est difficile de surestimer.
Au cours des trente premières années du xxe siècle, ce pays avait donné, avec la CNT, un exemple éloquent de syndicalisme
révolutionnaire authentiquement ouvrier, fondé sur une démocratie interne et externe,
bénéficiant d’un appui social irrésistible qui parvint à secouer les fondements
du système établi, et fourni un exemple, hégémonique pendant des années, d’auto-organisation
de la classe ouvrière, d’autofinancement, de fusion entre les figures du syndicaliste
et du travailleur. Nous sommes aujourd’hui aux antipodes de ce modèle. Le modèle
dominant à présent est, point par point, strictement l’inverse de celui que représentait
la CNT dans les années 30. Et pourtant, aujourd’hui, la CNT n’a pratiquement plus
d’influence sociale et les syndicats d’État (CCOO, UGT, CGT, etc.) prétendent
avoir occupé sa place à la tête des travailleurs. Comment s’est opéré ce
passage ? Que s’est-il passé exactement ? Cette recherche a visé à faire
la lumière sur le point d’arrivée du processus et à montrer ce qu’est et comment
fonctionne un syndicat d’État. Il faudrait se demander maintenant comment et pourquoi
nous en sommes arrivés à ce point.
Traduction et notes de Miguel Chueca
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