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Liberté
pour Marco Camenisch
José
Garcia et Ariane Miéville
Marco
Camenisch est incarcéré depuis 1991. Après avoir purgé une peine de douze ans
en Italie, ponctuée de plusieurs grèves de la faim, il a été extradé vers la Suisse,
son pays d’origine, où il vient d’être condamné à dix-sept ans supplémentaires
pour “ assassinat ”. Il a été reconnu coupable de la mort du garde-frontière
Kurt Moser en décembre 1989, un meurtre qu’il a toujours nié. Par contre, Marco
a été jugé innocent de la mort d’un gardien de prison lors de l’évasion collective
du pénitencier de Regensdorf, en 1981.
Dans
la presse suisse, on a pu lire que “ la sentence a été rendue dans une salle
comble, où avaient pris place une centaine de personnes, dont une moitié d’amis
et de sympathisants. Au moment de quitter le box, Marco Camenisch leur adresse
un signe de la main et lève le poing, tandis que de la rue, où manifestent une
cinquantaine de jeunes partisans du condamné, montent les cris de "Marco
libero !" ”.
À
cette nouvelle condamnation il faut ajouter huit des dix ans de prison dont Marco
avait écopé en 1980 pour avoir fait sauter un pylône à haute tension et attaqué
une centrale électrique. Le calcul est facile à faire : le vœu du procureur
zurichois qui réclamait la perpétuité risque bien d’être exaucé. L’avocat de Marco,
qui demandait son acquittement, a admis que cette condamnation constitue “ une
défaite ”. C’est exact, mais cette défaite n’est pas seulement celle du condamné
et de Bernard Rambert, son avocat, c’est aussi notre défaite : la défaite
de celles et ceux qui un jour se sont révoltés contre une société qui détruit
ses enfants et son environnement.
L’histoire
de Marco s’inscrit dans celle du mouvement antinucléaire européen des années 70.
Sa première condamnation à dix ans d’emprisonnement pour des actions presque symboliques
(les“ attentats ” qui lui sont attribués n’ont fait que des dégâts matériels)
a eu lieu à un moment où il s’agissait de stopper net la contestation écologiste
radicale. Il suffit de se souvenir de la terrible répression qui avait fait un
mort et plusieurs blessés lors d’une manifestation devant le surgénérateur de
Creys-Malville.
Pour
Marco, le rejet du nucléaire est le début d’un engrenage. Après son évasion dramatique,
il va connaître dix ans de cavale qui s’achèveront par une fusillade en novembre
1991, à Massa, où un carabinier et Marco lui-même seront blessés par balle. En
Italie, Marco a tiré sur un homme armé pour tenter d’échapper à son arrestation.
L’avait-il déjà fait auparavant en Suisse ? Même si la mort d’un homme et
la souffrance de sa famille ne peuvent laisser personne indifférent, cela nous
importe peu. Un “ représentant de l’ordre ” blesse ou tue un manifestant
ou un “ délinquant ”, que lui arrive-t-il ? Mais si l’inverse se
produit…
Tout
dans le récent procès et dans la campagne de presse qui l’a accompagné (Marco
était systématiquement traité d’“ écoterroriste ”) démontre une volonté
du pouvoir suisse de punir pour l’exemple, même quinze ou vingt-cinq ans après
les faits, celui qui s’en est pris aux intérêts des puissants, celui qui continue
à rejeter un système meurtrier.
Le
sort de Marco Camenisch nous interpelle, non seulement parce qu’il est notre “ compatriote ”
(la chape de plomb qui recouvre ce havre de paix des intérêts capitalistes est
juste un peu plus épaisse qu’ailleurs), mais parce que nous sommes chaque jour
plus nombreux à nous reconnaître dans l’essentiel des propos qu’a pu tenir publiquement
cet “ anarchiste révolutionnaire, insurgé, antipatriarcal, radicalement anti-civilisation
et vert ”*. Comme lui, nous sommes “ partisan(s) solidaire(s) de la
résistance antinucléaire, de la résistance sociale et écologiste et de la lutte
révolutionnaire de libération sociale contre la domination de classe et contre
l’exploitation de l’homme et de la nature ”*.
Nous
reconnaissons sa qualité de prisonnier “ politique ” dans le sens qu’il
donne à ce mot, c’est-à-dire une théorie et une pratique qui poursuivent comme
objectifs d’une part le “ bouleversement du désordre régnant, l’élimination
de l’injustice, du pouvoir, de la domination, de la guerre impérialiste … ”*
et d’autre part “ la reconstruction d’un monde juste, naturel et pacifique
pour tous les êtres vivants ”*.
La
lutte continue, pour la révision du procès (l’avocat de Marco a annoncé qu’il
allait faire recours), mais aussi pour tous ceux qui sont aujourd’hui incarcérés
pour avoir refusé la logique ce système.
(Juillet
2004)
*
Extraits de la déclaration de Marco Camenisch faite devant la cour d’assises de
Zurich, le 10 mai 2004.
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