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KARIM
NOUS MANQUE
Fin
juin, Karim a décidé de mettre fin à ses jours. Son geste
nous a tous terriblement secoués.
Nous avions fait connaissance de Karim,
pour certains d'entre nous, au moment du débat qui avait précédé
la naissance de La Question social. Karim avait été l'un des premiers
à prendre contact suite à la mise en circulation du texte présentant
notre projet de revue (que nous avons repris dans le numéro 1 sous le titre
"Notre projet"). D'autres l'avaient rencontré lors d'une réunion
rédactionnelle en mai dernier, d'autres encore n'ont connu de lui que ses
messages électroniques. En effet, la revue étant essentiellement
parisienne et lui vivant à plusieurs centaines de kilomètres de
là avec un maigre salaire, sa participation à la rédaction
prenait surtout la forme de courriels, en réaction à un article
proposé ou encore dans le cadre du débat sur le mode de fonctionnement
que nous cherchions par tâtonnements.
Nous le savions dans une situation
économique difficile, même s'il en parlait peu. Nous savions qu'il
attendait depuis longtemps une offre de travail à l'université promise
par un directeur de thèse inconscient ou indifférent, offre qui
ne se concrétisait pas mais le maintenait loin de là où il
aurait voulu vivre. Nous savions qu'il avait travaillé sous contrat précaire
à La Poste et avait gagné un procès contre ses exploiteurs,
ce qui ne lui permettait pourtant pas d'être optimiste sur son avenir professionnel.
Nous savions que depuis il travaillait comme pion dans une école privée,
lui qui était un laïque convaincu, et en tirait à peine de
quoi survivre et payer son loyer. Et lorsque ses messages ont commencé
à se faire plus rares après qu'il eut fait discrètement allusion
à une " catastrophe " personnelle, nous avons compris qu'il était
grandement fragilisé.
Karim était le plus jeune d'entre nous
et sans doute, de ce fait, à la fois le plus exposé aux duretés
de la vie et le moins blindé contre elles. Pourtant, cela ne nous console
pas de n'avoir pas su lui apporter au bon moment toute l'aide dont il devait alors
avoir besoin pour trouver la force de continuer à se battre.
Pour notre
petite revue, Karim a eu une importance bien plus grande que ce qu'il a pu écrire
ou nous faire lire ,
car il nous a donné des contributions indirectes sans lesquelles elle n'aurait
peut-être pas existé : il avait débattu avec certains d'entre
nous et s'était rendu compte que nous cherchions dans la même direction
sans nous connaître ; il nous avait donc mis en contact avec plaisir.
Tous
ceux qui l'ont connu ont été frappés par sa gentillesse et
sa modestie, qui ne l'empêchaient pas de s'exprimer avec rigueur. Dans le
dernier courriel qu'il nous avait adressé le 11 mai dernier, donnant son
avis sur un texte proposé pour la publication, il revendiquait ainsi son
refus du sectarisme :
" Je ne milite pas pour faire avancer une organisation
politique, ni même un "mouvement" (le mouvement anarchiste), mais
pour diffuser des idées et faire accepter des positions. Que m'importe
qui est à la tête du combat, si tête il y a, et quelle est
la dénomination de la révolution, du moment qu'elle m'émancipe.
Les objectifs étroits d'une organisation devenue un but en soi ne m'intéressent
pas : je vois dans la confusion de la fin et du moyen, surtout quand ce moyen
est défini dans l'abstrait domaine des idées, le commencement de
l'aliénation organisationnelle et la mort de tout projet émancipateur."
Comment
ne pas nous sentir profondément endeuillés ?
Karim est l'auteur de plusieurs textes (portant notamment, mais pas seulement,
sur le lambertisme et sur l'anarchisme), dont on peut trouver la liste dans le
numéro 13-14 de la revue Ni patrie ni frontières, en ligne
à l'adresse www.mondialisme.org
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