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Espagne
Quelle alternative syndicale dans un capitalisme modernisé ?
Corsino Vela
Lors de la Transition , le capitalisme espagnol s'est
restructuré et les relations salariales avec lui. L'UGT et les CCOO se
sont institutionnalisées, et diverses structures, dont la CNT et la CGT,
ont tenté de façon diverse d'organiser l'antagonisme des salariés.
Sans toujours échapper aux nouveaux pièges de l'intégration.
Spain:
What Union Alternatives Are There in Modernized Capitalism?
The large-scale
restructuring that Spanish capitalism underwent at the time of the Democratic
Transition deeply affected labor relations as well. The UGT and Comisiones Obreras
became institutionalized unions, whereas a number of other structures, particularly
the CNT and the CGT, tried to organize working-class revolt on a different basis
- without always steering clear of the new traps set to integrate them.
España
: ¿ qué alternativa sindical en un capitalismo modernizado ?
La
Transición democrática acarreó la modernización del
capitalismo español y, con ella, la de las relaciones sociales. Institucionalizadas
las centrales UGT y CCOO, varias estructuras sindicales (entre ellas CNT y CGT)
intentaron organizar el antagonismo de los asalariados. Sin conseguir tampoco
librarse en todas las ocasiones de las trampas de la integración.
Spagna:
quale alternativa sindacale in un capitalismo modernizzato?
Con la Transizione,
il capitalismo spagnolo si è ristrutturato e con lui le relazioni salariali.
L'UGT e le CCOO si sono istituzionalizzate e diverse strutture, tra cui la CNT
e la CGT, hanno tentato in diversi modi di organizzare l'antagonismo dei salariati.
Senza sfuggire sempre alle nuove trappole dell'integrazione.
L'essai
qui suit ne prétend pas le moins du monde être une introduction à
l'histoire du syndicalisme alternatif en Espagne au cours des trois dernières
décennies, mais une description sommaire de l'intervention syndicale durant
la phase de la pleine insertion de l'économie espagnole dans le système
capitaliste mondial.
La restructuration des relations sociales dans l'après-franquisme
Le
pacte de La Moncloa ,
signé par les forces politiques de l'opposition antifranquiste et les héritiers
directs de la dictature, donna le branle à ce qu'on a appelé la
transition démocratique espagnole, laquelle marqua aussi le début
du processus d'alignement des conditions d'accumulation du capital sur celles
des autres pays européens. À la suite de la généralisation
des luttes des travailleurs durant les années finales de la dictature de
Franco, les augmentations de salaires avaient pris de vitesse les gains de productivité,
et la déstabilisation générale des relations de travail -
et, plus globalement, des relations sociales - avait eu des répercussions
négatives quant à la perspective d'attirer les investissements étrangers.
C'est pourquoi la normalisation démocratique représentée
par le pacte de La Moncloa s'exerça également sur le terrain des
relations de travail, par l'établissement d'un pacte social avec les syndicats
majoritaires. De fait, les deux grands syndicats (CCOO et UGT), liés chacun
à deux des principaux acteurs du pacte de la transition (PCE et PSOE, respectivement),
adhérèrent au pacte de La Moncloa et signèrent toute une
série d'accords et de pactes, dont le Statut du travailleur, qui répondaient
aux besoins du capital durant la restructuration des années 1980. Au cours
de la décennie suivante, les accords viseraient à mettre en œuvre
la dérégulation progressive du marché du travail et l'érosion
des acquis des salariés (embauche, indemnisations pour licenciement, etc.).
Outre
qu'elle a transformé la structure productive espagnole par la liquidation
de certains segments d'activité, par des concentrations d'entreprises,
par l'ouverture aux investissements étrangers, etc., la restructuration
des années 1980 s'est orientée vers l'imposition de nouvelles formes
d'organisation du travail et de gestion de la force de travail qui supposent,
pour les syndicats, de nouvelles fonctions de représentation des travailleurs,
de gestion et de prévention de l'antagonisme sur les lieux de travail.
En
conséquence, les syndicats majoritaires négocient avec les patrons
et les représentants de l'État non seulement les conditions générales
de l'exploitation de la force de travail, mais leur propre fonction et leur financement
dans l'appareil de représentation de l'État. D'une façon
similaire à celle dont opère la loi électorale au cours des
élections politiques, qui favorise la concentration des voix sur les partis
majoritaires, les normes qui régulent les élections syndicales favorisent
la polarisation de la représentation dans les organes territoriaux en faveur
des deux syndicats majoritaires (CCOO et UGT). Il se produit ainsi une mise à
l'écart progressive des syndicats de représentation locale ou à
l'échelle de l'entreprise, lesquels voient très fortement limitées
leurs possibilités de représentation et de participation aux tables
de négociation où on décide des questions importantes.
En
outre, au cours du début des années 1980, l'on a assisté
à la disparition de plusieurs syndicats, ou à leur réduction
à une localité ou à une entreprise, à la suite de
l'extinction de leurs mentors politiques. Ce fut le cas de la CSUT et du SU ,
par exemple, qui, une fois disparus les partis qui les impulsaient (PTE et ORT (3)
respectivement), virent leur présence dans le paysage syndical se réduire
considérablement, au point de ne plus former que quelques noyaux actifs
dans quelques rares entreprises.
De plus, dans la mesure où elles coïncident
avec ce qu'on a appelé la reconversion (restructuration) industrielle -
qui, mise en route par le premier gouvernement démocratique de l'UCD ,
serait prolongée par les gouvernements successifs du PSOE -, les années
1980 ont été caractérisées aussi par une relative
continuité des luttes sociales, liées cette fois-ci à la
restructuration (licenciements massifs et fermetures d'entreprises), qui mit en
évidence, dans la pratique, l'alignement des syndicats majoritaires sur
les intérêts du capital en voie de restructuration. C'est ce qui
explique la survivance de quelques organisations et noyaux de syndicats minoritaires
de la période précédente, en opposition ouverte aux CCOO
et à l'UGT, et l'apparition de nouvelles expressions syndicales, liées
parfois à des mobilisations et des luttes concrètes menées
à la base par des assemblées de travailleurs : ce fut le cas, par
exemple, du SOC (Sindicato de Obreros del Campo )
en Andalousie ou de la Coordinadora Estatal de Estibadores Portuarios .
D'autres organisations syndicales sont issues de scissions, à l'instar
de la CGT ou, dans les Asturies, du CSI ,
qui s'est détaché des CCOO et a eu une intervention active dans
la lutte des chantiers navals.
Le paysage syndical d'aujourd'hui
En
définitive, le paysage syndical des deux dernières décennies
s'articule autour des deux grands syndicats institutionnels (CCOO et UGT) d'un
côté, auxquels il faudrait ajouter, de l'autre, les trois syndicats
basques (l'ELA-STV, lié au PNV, le représentant du courant nationaliste
basque traditionnel, le LAB, proche des milieux indépendantistes, et l'ESK-CUIS),
l'Intersyndicale de Galice et l'USO (Unión Sindical Obrera), un syndicat
d'inspiration chrétienne et autogestionnaire qui aspirait à être
le troisième grand, mais qui, absorbé en partie par l'UGT, est relégué
aujourd'hui à une position des plus modestes. Il conviendrait d'y ajouter
aussi une pléiade de syndicats et d'organisations de base directement liés
à des conflits particuliers causés par la continuelle restructuration
du capital (fusions, externalisations, délocalisations, etc.) toujours
en cours actuellement, ou de caractère régional, comme la FAC (Federació
Autònoma de Col.lectius) en Catalogne, le SU (Sindicato Unitario) à
Huelva, les deux courants du syndicalisme indépendant en Aragon - l'un
de caractère régionaliste et l'autre visant à la coordination
des syndicats indépendants d'entreprise. De fait, cette tension entre syndicats
majoritaires et minoritaires est en relation avec la nouvelle stratégie
syndicale favorable au passage d'un syndicalisme de confrontation à un
syndicalisme de concertation, évolution refusée par certains secteurs
de la population salariée, qui, maintenant une position revendicative,
sont moins portés aux pactes dans les conditions imposées par la
conjoncture (restructurations, etc.) : c'est là le terreau pour de nouveaux
mouvements syndicaux, qui, d'une certaine façon, recueillent la tradition
revendicative et assembléiste des mobilisations autonomes des années
1970.
On assiste, par ailleurs, à une crise croissante de représentativité
des syndicats majoritaires, de telle sorte que de nombreux groupes sociaux (travailleurs
indépendants, chômeurs, jeunes, nouveaux secteurs professionnels,
etc.) ne se sentent plus représentés par les grands syndicats, ce
qui constitue un autre facteur d'apparition de petits syndicats dans nombre d'entreprises
et de secteurs d'activité. Certains d'entre eux, à l'instar de celui
des conducteurs de trains, ont un caractère corporatif marqué, mais,
étant donné leur fonction dans le transport de passagers et de marchandises,
ils ont une capacité d'intervention très supérieure au nombre
de leurs adhérents. Et on pourrait en dire autant des syndicats de camionneurs.
Les chauffeurs de poids lourds sont d'ailleurs devenus des travailleurs indépendants
à la suite de l'externalisation du transport opérée par les
entreprises traditionnelles de transport et les opérateurs logistiques.
Organisés à l'échelle nationale, ils ont été
les protagonistes de quelques-unes des grèves les plus importantes des
années 1990, par leurs conséquences économiques sur l'approvisionnement
des villes et la production dispersée.
Le cas de la CNT, frappée
par la scission dont est issue la CGT ,
requiert une explication particulière, puisque sa marginalisation de la
sphère syndicale a été déterminée, à
mon sens, par deux raisons. L'une, qu'on pourrait qualifier d'externe, étant
la manœuvre du ministère de l'Intérieur qui allait mener à
l'affaire de La Scala ; et l'autre, interne, étant son inadaptation à
la conjoncture syndicale créée par le pacte de transition, face
auquel elle ne fut capable que d'adopter une stratégie abstentionniste
devant les élections syndicales, en s'opposant à la formule de représentation
par le moyen du comité d'entreprise. Toutefois, à la fin des années
1970, la CNT était apparue comme une possible troisième force syndicale,
dotée d'un fort potentiel de croissance permis par le discrédit
des syndicats et des partis qui avaient participé au pacte de transition.
Son évolution dans ces années-là aurait pu transformer la
centrale anarcho-syndicaliste en un élément de déstabilisation
du pacte de transition et de restructuration (reconversion industrielle). Elle
était une menace potentielle qui aurait pu mettre à mal le cadre
syndical consensuel dominant, comme le reconnut devant les caméras le ministre
de l'Intérieur du gouvernement de l'UCD, éminent phalangiste quelques
mois auparavant, Rodolfo Martín Villa, préoccupé par la dimension
et la tournure que prenait alors le mouvement libertaire.
C'est pourquoi, en
janvier 1978, après une manifestation de la CNT à Barcelone (la
première manifestation légale depuis les années de la République),
un flic infiltré convainc quelques jeunes d'aller jeter des cocktails Molotov
contre une salle de spectacles appelée La Scala. Résultat : plusieurs
travailleurs meurent brûlés, dont quelques-uns étaient des
adhérents de la CNT, ce qui donne lieu à la criminalisation systématique
de la CNT. Le montage des services de renseignements (selon certains témoignages,
et entre autres faits obscurs, le feu des cocktails ne pouvait pas provoquer l'incendie
où moururent les travailleurs) eut l'effet désiré et, à
partir de ce moment-là, la CNT commença à battre de l'aile.
Par ailleurs, les dissensions internes et la prédominance d'une orthodoxie
anarcho-syndicaliste vieille de quelque soixante-dix ans ont contribué
à la marginalisation de la CNT, laquelle n'exerce plus désormais
qu'une influence très limitée parmi les travailleurs.
La naissance
de la CGT fut regardée, au début, comme une alternative à
l'oligopole syndical des CCOO et de l'UGT, malgré un nombre de délégués
bien inférieur à celui des syndicats majoritaires, qui monopolisent
les postes dans les hautes instances de la représentation institutionnelle.
Aujourd'hui, la CGT dispose d'une présence relative sur l'ensemble du territoire
espagnol et d'une influence appréciable dans un certain nombre de secteurs
et d'entreprises. Il faut signaler, en outre, que, en ce qui concerne sa présence
en Catalogne, elle connut un moment important quand, vers le milieu de l'année
1988, elle obtint la majorité relative dans le comité d'entreprise
du constructeur d'automobiles SEAT (Volkswagen). Les dirigeants de la société
ne cachèrent pas leur préoccupation devant l'apparition d'un interlocuteur
plus revendicatif que les syndicats habituellement majoritaires dans l'entreprise.
Mais on vit bientôt qu'il ne s'agissait, en définitive, que d'un
vote ponctuel de sanction des travailleurs contre les CCOO et l'UGT qui, peu après,
récupérèrent leurs positions, la CGT passant au second plan.
L'intention
de la CGT, comme celle qui est sous-jacente aux tentatives de coordination qui
ont eu lieu tout au long de ces dernières années entre les syndicats
minoritaires, est la formation d'une troisième force syndicale qui permette
la participation aux tables de négociation et aux organismes de haut niveau
où se prennent les décisions importantes et, surtout, où
on a accès aux fonds destinés à la formation et aux diférentes
formes de subvention par lesquelles les syndicats parviennent à se financer.
À
partir des années 1980, il y eut des tentatives de coordination des petits
syndicats éparpillés dans les différentes communautés
autonomes. Si elles n'ont jamais débouché sur la création
d'une organisation, il y eut des convergences tactiques (ou de pratiques) dans
les conflits et même, en certaines occasions, des appels conjoints pour
seconder des journées de lutte.
Syndicalisme alternatif ou alternative
au syndicalisme ?
En dépit de l'influence réduite du syndicalisme
alternatif, on ne comprendrait pas quelques-uns des conflits les plus marquants
de ces dernières années sans la participation directe de certains
de ces syndicats minoritaires : les mouvements de grève du transport public
à Madrid et Saragosse en sont deux bons exemples. Dans d'autres cas, la
radicalisation de la lutte a été due à l'action des petits
syndicats, alors même qu'ils ne disposaient pas de la majorité au
comité de l'entreprise en conflit. Par ailleurs, aujourd'hui encore, on
assiste à des efforts en vue de parvenir à une coordination qui
déboucherait sur une sorte de confédération syndicale se
présentant comme une alternative à l'UGT et aux CCOO.
Mais il
nous faut dire quelques mots à propos du caractère " alternatif
" du syndicalisme pratiqué par ces syndicats minoritaires. Le terme
" alternatif " relève, en vérité, d'un abus de
langage : on ne peut l'appliquer aux syndicats minoritaires que pour autant qu'ils
visent à constituer une troisième option face aux deux syndicats
institutionnels (UGT et CCOO), mais eux-mêmes aspirent à la reconnaissance
institutionnelle, qui suppose l'accès aux tables de négociation
du plus haut niveau. Bien sûr, il s'agit de syndicats plus combatifs, plus
revendicatifs, mais ils sont marqués par la même nature syndicaliste
du système de représentation de la force de travail dans la société
capitaliste. Et il n'est pas question ici des discours ou des professions de foi
plus ou moins révolutionnaires contenus dans les statuts du syndicat, mais
du caractère même de l'organisation syndicale comme organisme de
gestion de la force de travail en dehors des moments de conflit.
La professionnalisation
de la représentation syndicale, qui dépend plus de la complexité
technique et juridique des relations de travail, laquelle exige une spécialisation
toujours plus poussée, que de la volonté bureaucratique des arrivistes,
est la base de toute bureaucratisation des représentants à la tête
des organisations syndicales. Et cette particularité renvoie à une
autre question fondamentale : l'intériorisation de la part des organisations
syndicales de la logique du capital ; les limites de la négociation sont
marquées par l'indice des prix à la consommation, la conjoncture
économique, les bénéfices de l'entreprise, etc., ou par des
abstractions comme la reprise de l'économie nationale, des absurdités
comme la contribution des travailleurs à la lutte contre le chômage
ou encore par la compétitivité. Autrement dit, les catégories
de l'économie politique. Il est évident que c'est l'idéologie
du capital qui inspire l'action syndicale et qui en marque les limites.
À
cela vient s'adjoindre la possibilité de promotion professionnelle qu'offre
l'action syndicale. La consolidation de la représentation, à quelque
niveau que ce soit, engendre des avantages et des prébendes qui sont inséparables
de la condition syndicale. L'activité du représentant syndical (réunions
avec les dirigeants, gestion et démarches administratives concernant la
vie syndicale, la sécurité et l'hygiène, la formation, etc.)
le place matériellement à l'écart du lieu de travail .
Dans toute entreprise d'une certaine taille, le délégué abandonne
son poste de travail pour se consacrer à la représentation des travailleurs
(il vit dans le bureau du comité d'entreprise, se consacre à des
tâches administratives et de gestion, et fréquente essentiellement
des avocats spécialistes de droit du travail, des chefs et des cadres dirigeants
d'entreprise, mais pratiquement plus de travailleurs). De surcroît, de par
sa condition de délégué, il est à l'abri de tout plan
social. Et, une fois parvenu à un certain niveau, il occupera un poste
au siège central du syndicat, ce qui suppose un avancement dans l'échelle
professionnelle. Plus important encore, il jouit d'un temps libre rémunéré
(heures syndicales) qu'il peut distribuer entre ses affidés syndicaux.
On a ainsi affaire à un système de corruption qui permet de créer
adhésions et fidélités en distribuant des prébendes,
à quoi il faut adjoindre les cours de formation et, par voie de conséquence,
la cogestion dans l'embauche de nouveaux travailleurs. Autrement dit, on a créé
une caste de milliers de gestionnaires syndicaux qui va du niveau de l'entreprise
aux niveaux provinciaux et national, lesquels ont des intérêts spécifiques
distincts de ceux des travailleurs des usines ou des bureaux, une caste dont les
membres les plus haut placés reçoivent leurs émoluments des
subventions directes de l'État et des fonds européens pour la formation
et la cohésion sociale gérés conjointement par les syndicats
majoritaires et le patronat à travers des organismes comme le Conseil économique
et social (.
Et il ne faut pas oublier la source de revenus représentée par la
négociation des restructurations, des fermetures d'entreprises, des préretraites…
dont le processus génère de juteux bénéfices financiers
pour les cabinets d'avocats spécialisés dans le droit du travail
et les syndicats, un phénomène qui mériterait à lui
seul une analyse minutieuse.
De sorte que les syndicats majoritaires, disposant
de plus de ressources et d'influences, tendent de plus en plus - comme ils le
reconnaissent eux-mêmes - à se transformer en prestataires de services.
Le processus affecte aussi les petits syndicats, quoique à une moindre
échelle et avec plus de possibilités de contrôle de la base,
mais avec les mêmes occasions d'accès à certaines prébendes
de moyen et bas niveau, conformément au niveau de représentation
atteint. De tout ce qui a été dit jusqu'à présent,
on peut conclure au moins que, si la question de l'intervention autour du poste
de travail (le salaire, en tant que base réelle de la vie prolétarisée)
reste posée, l'intervention fondée sur les présupposés
syndicaux s'est révélée dans la pratique la forme capitaliste
sous laquelle est reconduit le conflit entre capital et travail. Bien que la faillite
du modèle syndical surgi dans la phase d'expansion capitaliste du second
après-guerre, porte quelques militants vers le retour aux principes des
premiers temps du syndicalisme, il est clair que, au moins en ce qui concerne
la situation du travail dans les sociétés du centre capitaliste,
il n'y a pas la moindre possibilité d'un syndicalisme alternatif, pas plus
qu'il n'y a d'alternative au syndicalisme. La vérité est que le
syndicalisme est utile pour certaines catégories de travailleurs (fonctionnaires,
salariés en CDI, employés de grandes usines ou de compagnies de
services) dont les revenus sont en relation directe avec les heures de travail
effectuées, mais a peu de chose à apporter au reste de la population
salariée, instable et précarisée, dont les stratégies
de survie sont au-delà du cadre syndical. Au passage, je voudrais attirer
l'attention sur l'erreur fréquente qui consiste à identifier organisation
de la résistance salariée et syndicat, un réductionnisme
qui est d'ordinaire à la base des tentatives de construction ou de reconstruction
d'un syndicalisme " véritable ", etc., comme le suggère
la proposition de la Coordination andalouse .
Dans la conception syndicaliste de la contradiction capital-travail, on oublie
que la médiation salariale au sein des pays capitalistes développés
a évolué, et que l'occupation d'une partie considérable de
la population salariée est directement liée au développement
d'activités qui dépendent du transfert vers le centre capitaliste
de la plus-value produite à l'échelle mondiale, c'est-à-dire
qu'on a affaire en l'occurrence à des formes d'activité dans une
bonne mesure " improductives " (bureaucratiques, culturelles, de reproduction,
etc.) et subventionnées, lesquelles engendrent des formes de résistance,
mais également de soumission, qui ont peu de rapport avec les résistances
et la soumission de la force de travail réglementée, ou susceptible
de l'être, par l'entremise de l'encadrement syndical et des mécanismes
de négociation. On peut se demander cependant si, dans les sociétés
dites d'abondance, et malgré l'accès d'une proportion toujours plus
grande de la population aux moyens matériels d'existence à travers
le rapport salarial, on ne serait pas en train de voir apparaître une forme
particulière de la relation capital-travail (économie clandestine,
dérégulée), dont la nature, à cause de son caractère
nouveau et problématique, ne peut être abordée dans la perspective
et à partir des présupposés du syndicalisme, pour autant
qu'il est une des expressions historiques de la lutte des classes et du mouvement
ouvrier industriel à l'époque du capitalisme ascendant.
Traduction
et notes (sauf indication expresse) de Miguel Chueca
.
Les pactes de La Moncloa (la résidence du chef du gouvernement central
espagnol) furent adoptés le 25 octobre 1977 par les principaux partis représentés
au Parlement avant d'être acceptés par les syndicats majoritaires.
Respectivement, la Confederación de Sindicatos Unitarios de Trabajadores
et le Sindicato Unitario.
3. Partido del Trabajo de España et Organización Revolucionaria
de Trabajadores, organisations d'obédience marxiste-léniniste.
Unión de Centro Democrático, coalition formée autour de l'ancien
vice-secrétaire général du Movimiento (le parti unique du
franquisme), Adolfo Suárez, qui passe pour être l'acteur principal
de la transition à la démocratie. Le PSOE lui succède au
gouvernement à partir des élections législatives d'octobre
1982.
Syndicat des ouvriers de la campagne.
Coordination nationale des dockers.
La CGT est, comme on sait, le sigle adopté à partir de 1989 par
une des deux organisations anarcho-syndicalistes qui se disputaient jusqu'alors
le sigle historique de la CNT.
Corriente Sindical de Izquierdas : Courant syndical de gauche. Cette petite organisation
syndicale s'est opposée aussi à la destruction de l'industrie du
textile dans les Asturies (cf. in La Question sociale n° 2, le compte rendu
du livre IKE. Retales de la reconversión).
La CGT est née du regroupement d'un certain nombre de sections syndicales
mises à l'écart de la CNT " orthodoxe " à la fin
des années 1970, lesquelles forment en 1980 l'organisation dite CNT-Congrès
de Valence. Celle-ci s'unifiera avec un autre courant issu de la CNT-AIT au cours
d'un congrès tenu en 1984 au Palais des congrès et des expositions
de Madrid.
Cf. " Le syndicalisme d'État en Espagne " de F. Ventura Calderón,
paru in La Question sociale n° 2.
Sur ce sujet, voir l'article " Fonds européens et stabilisation sociale
en Espagne ", du même Corsino Vela (La Question sociale n° 2, p.
122-129).
On a assisté récemment à une nouvelle tentative de coordination
générale de plusieurs syndicats locaux ou régionaux, lesquels
revendiquent un Statut ouvrier, en opposition au Statut des travailleurs négocié
par l'UGT et les CCOO il y a une vingtaine d'années. (N.d.A.)
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