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Le
rôle des " macro-événements " dans la ville capitaliste
Peu
de pain et beaucoup de cirque
Carolina
del Olmo
Barcelone
en 1992, Valence en 2007, Madrid en 2012 : les grands événements
sportifs sont l'occasion pour les décideurs d'engager de vastes transformations
urbaines, censées apporter le renouveau et la relance économique.
Or la simple analyse des faits montre qu'il n'en est rien, mais qu'ils sont en
revanche un moyen de mettre les finances publiques au service d'intérêts
privés et d'accélérer l'expulsion des couches défavorisées,
et cela grâce au consensus. Un constat qui vaut bien au-delà de l'Espagne.
The
Role of Mega-Events in the Capitalist Metropolis
Barcelona in 1992, Valencia
in 2007, Madrid in 2012. Major sports events offer decision-makers opportunities
to implement large-scale transformations of the city environment, supposedly to
promote urban renewal and to stimulate the economy. Yet even a cursory analysis
would reveal that this is simply not the case. Such reforms are in fact a means
to subordinate public funding to private interests, to step up the eviction of
low-income strata of the population - and to manufacture the consensus required
by such a program. The validity of this critique extends well beyond Spain.
El
papel de los macroeventos en la ciudad capitalista
Barcelona en 1992, Valencia
en 2007, Madrid en 2012 : los macroeventos deportivos son una ocasión para
que los responsables políticos y económicos emprendan amplias transformaciones
urbanas, que se supone llevarán consigo un renuevo social y una reactivación
económica. Empero, el más simple análisis de los hechos demuestra
la falsedad de dichas expectativas. Muy al revés, los macroeventos son
un medio consensuado de poner las finanzas públicas al servicio de intereses
privados y de acelerar la expulsión de las capas sociales más humildes.
Una constatación que vale para otros países que España.
Il
ruolo dei macro-avvenimenti nella citta capitalista
Barcellona nel 1992, Valenza
nel 2007, Madrid nel 2012: i grandi avvenimenti sportivi sono l'occasione per
coloro che prendono le decisioni di lanciarsi in vaste trasformazioni urbane,
ritenute foriere di rinascita e rilancio economico. Ora, la semplice analisi dei
fatti mostra che non è affatto vero, ma che sono al contrario un modo per
mettere le finanze pubbliche al servizio di interessi privati e di accelerare
l'espulsione degli strati più poveri, e questo grazie al consenso. Una
constatazione che vale ben al di là della Spagna.
Quelques
années avant le tournage de Bowling for Colombine, Michael Moore avait
mis en scène un documentaire exceptionnel - dans lequel il apparaissait
aussi - où il relatait les conséquences sociales de la décision
de la société General Motors de transférer au Mexique, pour
baisser les coûts salariaux, les usines qu'elle possédait dans la
ville natale du cinéaste (Flint, Michigan), en laissant au chômage
une très grande proportion de la population du lieu (1). La désolation
des paysages urbains que montre Moore dans ce film illustre à la perfection
les conséquences d'une transformation si rapide et si brutale. Quelques-unes
des scènes les plus hilarantes du film donnent à voir les initiatives
que la mairie de la ville, en connivence intime avec les élites urbaines,
mettent en œuvre pour remédier à la détérioration
de la ville, visant à rien de moins qu'à transformer Flint en un
centre touristique de qualité. Dans ce but, les édiles construisent
un parc à thème dédié à la voiture, un hôtel
aux proportions pharaoniques et un centre commercial gigantesque. Bien sûr,
le projet échoue en l'espace de quelques mois et le seul qui semble avoir
quelque chance de réussite est celui d'un nouveau centre pénitentiaire.
Curieusement, un des principaux objectifs des édiles de Flint était
de relever le moral de ses habitants, de leur rendre leur confiance en eux-mêmes.
La mairie est même allée jusqu'à se payer, à prix d'or,
les services d'un prédicateur connu, lequel, dans une réunion tenue
devant un énorme public, avait insisté sur le caractère spirituel
des maux dont la ville était affligée.
Le pire de cette affaire,
c'est qu'elle n'est pas - il s'en faut - aussi extravagante qu'on pourrait le
croire au premier abord (2). Un des succès qu'on attribue d'ordinaire à
Barcelone 92 semble avoir été, précisément, l'élévation
de l'esprit citoyen, le fait que les gens aient retrouvé la confiance en
eux-mêmes et que l'image qu'ils ont de leur propre ville se soit améliorée
(3). De fait, cette idée est un des ingrédients de base de l'idéologie
dominante en matière d'organisation de macro-événements.
Et il est certain que l'Espagne semble être un exemple magnifique pour ce
qui est d'organiser des spectacles et des événements plus ou moins
festifs pour redonner de la vitalité à des villes préalablement
détruites à coups de fermetures d'usines, de chômage et de
réduction des services sociaux : au moment même où j'écris
ces lignes, Barcelone reçoit le Forum des Cultures, Valence se prépare
à accueillir la 32e édition de l'America Cup de voile et Madrid
s'efforce d'être retenue comme siège des Jeux olympiques de 2012
(4), tous événements qui, bien qu'ils ne durent guère plus
de quelques semaines, requièrent des préparatifs s'étalant
sur plusieurs années, absorbent d'énormes quantités d'argent
public et changent la physionomie d'une ville pour toujours.
Au vu des chiffres
disponibles, on peut noter que, au cours des vingt dernières années,
la concurrence pour recevoir les Jeux olympiques s'est exacerbée. Si les
grandes pertes connues par Montréal en 1976 avaient singulièrement
refroidi l'enthousiasme des villes candidates au point que, en 1984, Los Angeles
fut la seule à se présenter, le succès inattendu de cette
dernière édition - dû en grande partie à l'essor de
la télévision mondialisée - supposa un tournant important.
Dès lors, le nombre des villes candidates n'a cessé d'augmenter.
Et il en va de même avec le désir d'organiser une Exposition universelle
ou tout autre événement de ce genre, récemment créé
ou pas. D'où vient le désir soudain d'organiser ces macro-événements
? En premier lieu, il faut avoir à l'esprit que cette fureur concurrentielle
n'est que la forme la plus achevée de la concurrence généralisée
qui s'est établie entre les villes à la suite des changements politiques
et économiques de ces derniers temps. En usant d'une terminologie répandue,
on pourrait dire que nous sommes passés d'un régime d'accumulation
fordiste à un régime post-fordiste caractérisé par
la flexibilité, où la dispersion géographique croissante
de la production et l'essor sans précédent du capital financier
ont joué un rôle fondamental. Ce changement de régime a eu
des conséquences de première importance pour les villes capitalistes,
qui ont été plongées dans une crise durable due à
la perte de poids de l'industrie traditionnelle, à la tertiarisation de
l'économie, à l'augmentation du chômage et des poches de pauvreté.
Les villes ont commencé à rivaliser entre elles dans une lutte acharnée
en vue d'attirer les investissements (privés ou publics) et de s'assurer
des revenus en provenance du tourisme afin de compenser la disparition des emplois
stables. Les " gouvernements urbains (5) " ont pris l'initiative dans
ce qu'on a qualifié d'" essor de la ville entrepreneuriale ",
en essayant constamment de créer un climat favorable aux affaires et en
prenant les mesures appropriées pour veiller au développement économique,
lesquelles, en retour, ne font qu'intensifier la flexibilité et l'insécurité.
Comme
on pouvait s'y attendre, les investissements destinés à transformer
la ville en une entreprise dynamique et compétitive, tout particulièrement
dans un cadre d'austérité comme celui qui s'est généralisé
au cours de ces dernières décennies, supposent l'utilisation des
ressources publiques, de plus en plus limitées, en faveur des entreprises
et des consommateurs les plus aisés et au détriment des classes
les plus défavorisées (6). À côté de la dérégulation
du marché du travail et des prestations, des subventions et des aides de
toute sorte qu'on offre aux entreprises à la recherche d'un siège,
on a concentré une bonne part des efforts de mise en œuvre des stratégies
compétitives dans le domaine de la transformation physique de l'environnement
urbain. Par ailleurs, avec le soutien des différents courants de l'architecture
postmoderne, la ville tend à se transformer en spectacle, en un espace
attrayant de loisirs visant à capter les touristes et l'argent de la consommation,
dans le même temps qu'on y pousse à la construction de tout type
d'infrastructures hautement bénéfiques pour les entreprises et les
clients de haut niveau : zones entrepreneuriales, centres de congrès, aéroports.
C'est
dans ce contexte de compétitivité et de transformation de la ville
en spectacle qu'il convient de replacer ce désir fiévreux d'organiser
des " macro-événements ", dont nous avons un exemple parfait
avec la ville de Barcelone, qui organisa, il n'y a pas si longtemps, des Jeux
olympiques, qui a dû subir, au cours de l'été 2004, le Forum
des cultures et qui, entre-temps, a été témoin d'une surprenante
prolifération d'événements mineurs et d'une campagne permanente
de publicité pour ses institutions culturelles.
Demi-vérités
et mensonges éhontés
Penchons-nous sur les avantages qu'on
suppose à ces grandes célébrations. Outre la vertu qu'on
leur prête de remédier au malaise psychologique des citoyens, la
classe politique insiste constamment sur le fait que l'organisation de "
macro-événements " constitue une occasion inégalable
de doter la ville d'une bonne quantité de ces infrastructures et installations
dont les habitants éprouvent tous le besoin. Un autre des avantages qu'on
leur attribue, probablement le plus important, est en relation avec la reprise
économique et la création d'emplois : en mettant la ville au centre
de l'attention mondiale, les " macro-événements " permettent
un type de publicité et de marketing qui contribue à vendre son
image comme marque commerciale dans le monde entier. Par conséquent, on
suppose que non seulement la ville attirera un nombre énorme de touristes
mais encore qu'elle permettra l'installation de nouvelles sociétés
et qu'elle suscitera l'invention de nouveaux événements, avec l'augmentation
consécutive de l'activité économique sur le long terme et
la création de postes de travail.
À première vue, ce genre
d'expectatives et d'aspirations ne paraissent pas particulièrement exagérées,
étant donné l'importance du secteur touristique dans l'économie.
Mais le problème que pose l'organisation d'événements de
ce type - avant même de savoir s'il faut vraiment espérer que ces
prévisions se réalisent ou pas - est le modèle urbain dessiné
par cette forme de développement économique. Les interventions publiques
et privées dans la ville touristique s'intéressent, la plupart du
temps, à ses aspects les plus superficiels, en remodelant les zones centrales
ou les plus intéressantes, mais en négligeant le reste du territoire.
Ces opérations entraînent d'ordinaire un embourgeoisement (gentrification)
des espaces urbains centraux avec l'élévation qui en résulte
des prix et l'expulsion des habitants à faible pouvoir d'achat. La ville
devient de plus en plus incommode pour les habitants ordinaires de la ville -
dont les besoins sont subordonnés à tout moment à la jouissance
des touristes - et elle se dépersonnalise avec l'arrivée des grandes
chaînes commerciales et hôtelières, lesquelles, à leur
tour, contribuent à la détérioration du commerce et de la
restauration traditionnelles (un processus de substitution qui, soit dit au passage,
suppose une perte nette d'emplois).
Mais il y a des désavantages encore
plus sérieux. Le travail dans le secteur des services que favorise l'activité
touristique tend à être un emploi mal payé, peu qualifié,
fortement précarisé et de nature temporaire, avec peu de droits
et des taux de syndicalisation pratiquement inexistants. Il faudrait être
très optimiste pour croire qu'il s'agit là de traits sociaux propres
à un secteur économique en plein décollage (7). Bien au contraire,
il semble logique de supposer que l'incorporation d'un nombre croissant de lieux
au catalogue des voyages touristiques rendra la concurrence plus dure encore et
poussera à une baisse des coûts qui, comme il est d'usage, affectera
d'abord le niveau des salaires. Cette compétitivité croissante est,
à l'évidence, un des facteurs qui fait du développement touristique
un modèle économique à haut risque. Il convient, en outre,
de ne pas oublier que les flux de visiteurs sont très sensibles aux variations
dans les goûts, la mode et à toutes sortes de conjonctures (cours
de la monnaie, problèmes liés à la sécurité,
etc.).
Cependant, si les investissements colossaux d'argent public et les embarras
pour le citadin entraînés par la ville touristique en général
et les macro-événements en particulier tournaient, en définitive,
au bénéfice de la population, ils pourraient encore être justifiés.
Mais, malheureusement, tel n'est pas le cas. Qu'on pense aux installations que
la ville " gagne " à la suite d'un macro-événement.
Il est surprenant de voir avec quelle obstination on parle, au moment des processus
de candidature, du " legs olympique ". On ne cesse d'insister sur le
fait que, au lendemain de la cérémonie de clôture des Jeux,
les installations resteront dans la ville et que, par conséquent, on pourra
les réutiliser, comme si quelqu'un pouvait craindre que le vent ne les
emporte ! Elles resteront, bien sûr, mais le problème sera plutôt
de savoir quelle utilité pourront bien avoir ces nouveaux stades, ces centres
aquatiques et autres installations sportives ou ces infrastructures de caractère
général qui accompagnent généralement l'organisation
d'un macro-événement (élargissement des espaces dédiés
aux foires, des autoroutes et des aéroports, réhabilitation superficielle
des zones de plus grande visibilité au cours de la tenue de l'événement,
etc.). Bien sûr, les doutes sont d'autant plus fondés si on compare
l'utilité de ces aspirateurs de deniers publics à d'autres installations
et services qui auraient pu être financés avec cet argent (et même
avec beaucoup moins que cela). Puisque l'argent public est un bien rare, aujourd'hui
tout particulièrement, étant donné les restrictions économiques
imposées par les politiques de déficit zéro, le financement
de ce type d'événements et d'infrastructures suppose des coupes
drastiques dans des secteurs bien plus importants. Bien sûr, dans certains
cas, il suffit d'imaginer l'utilité possible des projets prévus
pour être pris d'une envie irrépressible de rire. À Valence,
les travaux déjà en cours afin d'adapter la ville aux réquisits
de l'America Cup incluent des installations aussi " nécessaires "
qu'un canal de 80 mètres de large pour 400 de long, qui permettra de passer
du bassin intérieur du port à la zone des régates en une
quinzaine de minutes, un club de propriétaires de yachts doté de
son propre héliport et une zone d'amarrage pour les embarcations de plus
de 40 mètres de longueur, pardonnez du peu.
Par ailleurs, ce genre de
constructions vouées aux compétitions sportives et au tourisme requièrent
ordinairement des réinvestissements constants pour conjurer la menace de
dévaluation que supposent les changements de la mode et le fait que lesdites
installations puissent être imitées n'importe où dans le monde.
Voici les questions que se posait le collectif d'architectes Pilar Prim à
propos de l'obsolescence des investissements réalisés à l'occasion
des olympiades de 1992 à Barcelone : " Pour quelle raison vieillissent-elles
si vite, les glorieuses réalisations architecturales de ces événements
extraordinaires, tellement vantées par les politiciens et les modernes
au moment de leur inauguration ? Où sont, pour ne citer qu'un exemple,
les usagers, hier si nombreux, du Moll de la Fusta et des bars à la mode,
y compris le Gamba de Mariscal ? Quinze ans ont suffi pour que toutes ces formes
se transforment purement et simplement en matériaux de démolition
(8). "
Mais arrêtons-nous au cas de Barcelone, qui montre très
bien ce qu'il en est de la vraisemblance des bénéfices escomptés
par les porte-parole des macro-événements. Il est indubitable que
les JO de 1992 firent naître des attentes qui n'ont absolument pas été
satisfaites, et pourtant ils sont passés dans l'histoire comme un grand
succès et un exemple à suivre. Les investissements qualifiés
d'olympiques ont été approximativement d'un billion de pesetas,
dont 55,3 % de fonds publics. Une bonne partie de cette somme, environ 80 %, était
destinée à des infrastructures générales (construction
et amélioration d'autoroutes et autres accès à la ville,
agrandissement de l'aéroport, régénération du front
de mer, équipement culturel et nouveaux centres de communications, entre
autres choses), lesquelles, sans faire partie des investissements olympiques directs,
se virent impulsées néanmoins par la tenue de l'événement.
Eh bien, à l'encontre de tout ce qu'on pourrait penser, l'activité
économique engendrée par toute cette manne ne semble pas avoir eu
de répercussions significatives sur les indicateurs de la zone barcelonaise.
Entre 1987 et 1991, le nombre des postes de travail dans le bâtiment a augmenté
de 33 000, un chiffre très inférieur aux prévisions, surtout
si on tient en compte que le secteur du bâtiment fut le principal destinataire
des fonds publics et privés, accaparant pour lui seul jusqu'à 775
milliards du billion total. Il va sans dire, bien sûr, qu'il s'agissait
là d'emplois temporaires. Dans le secteur hôtelier, l'augmentation
ne fut que de 20 000 postes de travail, mais limités aux semaines pendant
lesquelles eurent lieu les olympiades, c'est-à-dire bien moins qu'on ne
l'avait espéré. Dans les autres secteurs, l'impact sur l'emploi
fut nul : " Il ne faut pas oublier à cet égard que les bénévoles
olympiques couvrirent à eux seuls pratiquement tous les postes de service
que requiert un événement de cette importance (9). " Pour le
reste, ni la très légère croissance de l'emploi ni la fluidité
des relations de travail qui, selon les experts, s'étaient produites au
cours de ces années ne se consolidèrent pendant la période
postérieure. De fait, déjà au cours de l'année 1992,
la situation de l'emploi s'était détériorée dans les
secteurs les plus importants. Quant aux dépenses courantes nécessaires
à la réalisation (et pas des préparatifs préolympiques),
dont on attendait un essor de la croissance, et, par conséquent, de l'emploi
dans le commerce et le tourisme, la réalité ici aussi est restée
très loin des prévisions. De fait, le commerce enregistra, durant
l'année 1992, une baisse des ventes. Par ailleurs, le nombre des touristes
qui vinrent à Barcelone (un million et demi de visiteurs) fut très
inférieur au chiffre prévu. On constata également une baisse
de l'affluence dans d'autres endroits de la même région et une diminution
du nombre des conventions, congrès et autres manifestations qui se tinrent
à Barcelone, puisque les installations de la Foire étaient occupées
par le comité d'organisation. Par-dessus le marché, enfin, les touristes
ne dépensèrent pas autant qu'on l'avait espéré (10).
Le
seul indicateur économique où l'on put apprécier une influence
considérable des olympiades fut celui des prix. À partir de 1988,
les prix montèrent plus dans la ville que dans le reste de la province
et ils gagnèrent 1 % de plus que le taux d'inflation national. Dans l'année
qui précéda les Jeux olympiques, le dépassement fut même
de 3 %.
Quant aux bénéfices escomptés de la vente des
droits télévisés, qu'on cite d'ordinaire comme une des causes
principales de la rentabilité des olympiades, il convient de noter qu'ils
ne vont engrosser le Trésor public, mais les coffres du comité d'organisation.
Et, de fait, l'augmentation croissante de la quantité obtenue à
ce titre a fait du CIO (Comité international olympique) une grande entreprise
(11).
Afin de comprendre la modestie des résultats économiques
et l'absence de réalisation des espérances mises dans les JO, il
faut s'arrêter aux deux phénomènes suivants. En premier lieu,
l'optimisme exagéré de ceux qui réalisent les études,
qui, sans qu'on sache comment ni pourquoi, prévoyaient jusqu'à un
essor de la qualification de la force de travail et une augmentation de la productivité
comme conséquences de la tenue de Jeux olympiques. En second lieu, le cadre
limité dans lequel se produisent ces investissements. En effet, si la demande
liée aux JO (ou tout autre macro-événement) absorbait des
ressources qui, autrement, seraient restées inutilisées, il serait
loisible d'en attendre un essor de l'emploi et une amélioration générale
des indicateurs économiques. Cependant, comme le reconnaît l'étude
d'impact économique des Jeux de Sydney de l'an 2000 élaborée
par le département du Trésor australien, la croissance de la demande
associée aux olympiades, qu'on tient d'ordinaire pour du bénéfice
net, n'est en général que le résultat d'un changement de
direction des ressources, assignées à d'autres usages : autrement
dit, cette croissance n'entraîne pas d'essor net de la demande et des bénéfices,
puisqu'elle suppose une diminution dans d'autres domaines. Il en va de même
pour le capital privé, dont les investissements dans d'autres secteurs
ou d'autres régions se contractent également. En outre, si on se
penche sur la recommandation que fait cette étude australienne afin que
la demande puisse se cristalliser effectivement en bénéfice net,
à savoir flexibiliser au maximum le marché du travail, l'objectif
perd une bonne partie de son attrait.
Des échecs qui sont des
succès
Toutefois, le plus curieux est que, bien que les résultats
ne soient jamais à la hauteur des espérances, l'échec n'est
jamais reconnu comme tel. En effet, personne ne semble se soucier de ce que les
prévisions ne soient jamais réalisées : l'impression dominante
est toujours qu'il y a eu succès et qu'il importe de le répéter.
Pour comprendre cette incongruité, il convient de tenir compte des occasions
incroyables que représentent les transformations urbanistiques associées
aux macro-événements pour les entreprises privées. Même
la volonté d'attirer des touristes et d'améliorer la position compétitive
de la ville ne constitue, somme toute, qu'un facteur secondaire si on la compare
à l'importance des affaires à court terme pour les élites
locales. Bien sûr, je ne suggère pas le moins du monde que les gouvernements
urbains n'ont aucun intérêt à faire la promotion de l'image
de la ville en vue de créer de l'emploi, d'accaparer des flux monétaires
et autres. Hélas, un de nos problèmes est précisément
que les gouvernements urbains semblent convaincus de ce que, dans une économie
mondialisée, il ne sert pas à grand-chose de " promouvoir le
développement des entreprises locales " et que le mieux est de "
transformer le territoire en un espace attractif pour les investissements étrangers
(12) ". Mais la faiblesse de certaines de leurs stratégies - telle
celle des macro-événements - et leur obstination à suivre
cette voie font penser à la primauté d'intérêts plus
concrets et à court terme.
En définitive, ce qu'on ne peut oublier
est que, dès qu'il est question d'organiser un macro-événement,
l'argent qui afflue vers une ville est, en tout premier lieu, de l'argent public
qui va passer aux mains d'entreprises privées. C'est pourquoi il est si
difficile de comprendre d'où viennent réellement les revenus que
la ville espère obtenir de l'organisation des macro-événements
et le désintérêt de la classe politique pour cette incertitude.
Quand on a demandé à Ignacio del Río (ex-conseiller d'urbanisme
à la mairie de Madrid et conseiller délégué de la
candidature olympique) quels bénéfices les JO peuvent apporter à
une ville, sa réponse s'est focalisée sur l'essor des droits télévisés.
En même temps, il expliquait que, étant donné qu'" on
investit dans la ville, la valeur touristique et de communication produit des
bénéfices pendant de longues années. Combien de personnes
sont allées à Barcelone après les Jeux (13) ? " Beaucoup,
sans aucun doute, mais contrairement à ce que croit Ignacio del Río,
il n'a été ni très facile ni très économique
de les y faire venir. La stratégie n'a pas fonctionné comme on veut
nous le faire croire (croissance soutenue du tourisme après les olympiades)
ou, au moins, elle n'a produit d'effets que grâce à un investissement
public énorme et continuel, qui est allé de pair avec une intervention
publique ou semi-publique destinée à éviter des faillites
dans des secteurs privés comme l'hôtelier - surdimensionné
après les olympiades - dans un processus qui illustre une fois de plus
la règle bien connue de la socialisation des pertes et de la privatisation
des bénéfices.
Maintenant, si nous tenons compte du fait que
" ceux qui ont impulsé les Jeux de Barcelone et financé une
grande partie de leur budget ont été les sociétés
immobilières, celles du bâtiment, les institutions financières,
les entreprises publicitaires, l'hôtellerie et la restauration (14) "
et qu'on a assisté, à Barcelone, à une frénétique
activité de construction qui est allée de pair avec l'augmentation
effrayante des prix et de colossales opérations de re-qualification des
terrains (pour ne citer qu'un exemple, la Ville olympique fut édifiée
sur un terrain industriel requalifié appartenant à de grandes entreprises),
nous comprendrons mieux pourquoi, en effet, Barcelone a été un véritable
succès.
Loin d'être des effets secondaires des macro-événements,
les restructurations urbaines qui leur sont associées en sont plutôt
la véritable raison d'être. Le phénomène du Forum des
cultures de Barcelone le confirme : quand on a décidé d'organiser
un autre macro-événement capable d'attirer des touristes et d'approfondir
l'image de marque de la ville, on n'a pas cherché un événement
qui permette de réutiliser les " vieilles " infrastructures créées
il y a un peu plus de dix ans à l'occasion des olympiades, mais on a monté
de toutes pièces un Forum dont le principal objectif, ainsi que le reconnaissent
jusqu'aux plus naïfs de ses organisateurs, est la transformation urbaine
qui lui est consubstantielle. En effet, l'organisation d'un événement
multiculturel qui s'est piqué d'être " progressiste " a
servi de prétexte à une vaste opération d'ouverture vers
la mer en direction de la dernière portion de littoral encore disponible,
à la " régénération " de cette zone dégradée
des environs des bouches du Besòs, à l'édification avec de
l'argent public d'un nouveau port sportif ou du plus grand centre de conventions
de l'Europe du Sud (dont on a cédé la gestion à une entreprise
privée pour vingt ans) et à la construction, attribuée à
la société immobilière américaine Hines, d'un ensemble
résidentiel de luxe et d'un centre commercial (Diagonal Mar). En définitive,
une opération conçue à la mesure des intérêts
du secteur privé, qui a collaboré avec le plus grand plaisir au
financement de l'événement.
Dans le cas espagnol, ces collaborations
privé-public de réforme urbaine adaptées aux besoins du secteur
privé qui se sont généralisées dans le monde entier
revêtent une gravité spéciale à cause du pouvoir des
entreprises du bâtiment et du fait que l'immobilier est depuis un bon moment
déjà le principal soutien de l'économie espagnole. En effet,
le bâtiment représente 17,7 % du PIB et 59,5 % de l'investissement
en formation de capital fixe et donne du travail à deux millions de personnes.
Par ailleurs, après un processus spectaculaire de fusions, le secteur est
aujourd'hui dominé par six grandes entreprises (FCC, ACS, Acciona, Ferrovial,
Sacyr-Vallehermoso et OHL), dont cinq qui figurent parmi les plus importantes
entreprises du bâtiment en Europe, eu égard à leur capitalisation
en Bourse (15). Le secteur est devenu un domaine d'investissement sûr grâce
au boom immobilier et à l'adoption de plans pharaoniques d'infrastructures
publiques, dont un grand nombre sont localisées à Madrid (qu'on
pense à l'élargissement de l'aéroport de Barajas, au projet
de rendre souterraine la M-30 et tant d'autres plans du même genre). Comme
le déclarait très fièrement l'ex-maire de Madrid Álvarez
del Manzano, " Madrid est, après Berlin, la seconde ville européenne
en matière d'opérations urbanistiques en cours de réalisation
", dont une bonne partie est associée aux prétentions olympiques
de la ville (16). Bien que la conjoncture économique dans laquelle s'inscrivit
la préparation des olympiades à Barcelone ait été
fort différente de la situation présente, il n'en demeure pas moins
que les conséquences prévisibles de Jeux olympiques organisés
à Madrid seraient sans doute assez proches de ce qu'on a connu après
1982 à Barcelone. En effet, si le fait que l'Espagne venait juste d'intégrer
l'Union européenne - avec l'affluence consécutive d'une grande quantité
de capital étranger, dont une bonne partie était destinée
à l'investissement en biens immobiliers - contribua au boom du bâtiment
et à la hausse des prix qui se produisit à Barcelone au cours de
la période 1986-1992, de nos jours, c'est plutôt le mauvais moment
que traverse le marché des valeurs boursières qui a transformé
le secteur immobilier en une valeur refuge qui accapare déjà 40
% de l'investissement étranger en Espagne, où on a assisté
à un afflux considérable de capitaux en provenance de fonds d'investissement,
de banques et de milliers d'entreprises à la recherche de hautes rentabilités.
Avec
cette hypertrophie du secteur, qui a fait de Madrid une des villes au taux le
plus bas d'habitants par logement (un indice tout théorique, en réalité,
à cause de la grande quantité de logements vides), il est difficile
de voir d'un bon œil le " legs " que constituera, par exemple, la Ville
olympique. La candidature de Madrid aux JO prévoit la construction d'une
nouvelle " centralité " dans la zone est - située entre
la M-40, l'aéroport de Barajas et le quartier de San Blas - qui suit le
modèle de requalification d'un ancien terrain industriel très courant
ces dernières années (17). Tant Ignacio del Río que les textes
officiels de candidature présentés au COI envisagent comme une possibilité
le fait qu'une bonne part des 6 600 résidences de la Ville olympique soient
à l'avenir des logements sociaux, mais à aucun moment on n'offre
de données précises ni rien qui vaille pour un engagement ferme,
pas plus qu'on ne s'intéresse à la question du financement public-privé
envisagé ni à quel type d'accords il donnera lieu. Ce qu'on sait
d'ores et déjà, en revanche, c'est qu'on a donné le feu vert
au développement urbanistique des terrains où l'on projette de construire
la Ville olympique, avant même de savoir si oui ou non Madrid va être
choisie comme siège des Jeux. On sait déjà que le nouveau
quartier sera composé de villas et de maisons basses - de cinq étages
au maximum -, climatisées et entourées d'espaces verts et d'un terrain
de golf (18), une chose pour le moins curieuse s'agissant de logements dits "
sociaux ".
Quant au quartier ouvrier tout proche de San Blas, pour lequel,
s'il faut en croire Ignacio del Río, on ne prévoit " aucune
expropriation, mais qui, bien au contraire, va connaître une amélioration
", il faut probablement s'attendre au pire. Kris Olds a étudié
soigneusement les expulsions d'habitants qui ont été opérées
au cours de la préparation et de la tenue de macro-événements
comme l'Exposition universelle de Vancouver (1986) ou les Jeux d'hiver de Calgary
(1988) et en a conclu que l'expulsion lui semble un phénomène inévitable
dans ce genre d'événements (et cela dans un pays aussi " civilisé
" que le Canada) (19). Dans le cas de Barcelone, la restructuration du quartier
de Ciutat Vella, une opération d'embellissement liée aux olympiades,
entraîna la démolition de nombreux immeubles et une hausse substantielle
des prix, avec l'expulsion consécutive d'un grand nombre d'habitants du
lieu. À Valence, les effets de l'America Cup commencent déjà
à se faire sentir sur les prix des logements et les experts prévoient
une hausse future d'entre 25 et 30 %. Les collectifs sociaux de la ville assistent
dans la plus grande inquiétude aux préparatifs d'un événement
sportif qui n'intéresse pourtant pratiquement personne et qui offre de
très nombreux motifs pour faire penser à l'existence de juteuses
affaires urbanistiques, de requalification de terrains, de démolitions
et d'expulsions associées à la hausse des prix. Évidemment,
il est alarmant de constater que la substitution des habitants du lieu, qui, en
d'autres temps, était l'objectif occulte des rénovations urbaines,
est devenu à présent la fin déclarée de ces opérations.
En effet, selon Pío García-Escudero, actuel conseiller d'urbanisme
de Madrid, réhabiliter un quartier consiste à " rénover
le paysage urbain et créer des dotations, ce qui attire de nouvelles couches
de la population (20) ".
Par ailleurs, tant à Valence qu'à
Madrid, même un secteur qui, tel l'hôtelier, devrait avoir tout à
gagner de l'événement le considère avec beaucoup de circonspection,
puisqu'il s'attend à une forte saturation du secteur avec la conséquence
logique d'une menace de dévaluation. De fait, le CIO a décidé
qu'il manque encore des hôtels à Madrid, bien que la ville dispose
actuellement de 68 000 places et en aura 100 000 en 2012, dont 70 000 dans des
hôtels de trois et quatre étoiles.
S'il est maintenant évident
que les bénéfices que l'organisation d'un macro-événement
rapporte aux habitants d'un lieu sont pratiquement inexistants alors que les préjudices
en sont fort nombreux, il nous reste à mentionner encore un de leurs avantages
fondamentaux, bien qu'ils le soient uniquement pour les gouvernements urbains
et pas pour les gens eux-mêmes. Je veux parler de la capacité de
ces événements à fabriquer du consensus. Un consensus qui
sert de paravent derrière lequel on peut mener toutes sortes d'affaires
et d'interventions urbanistiques qui, autrement, auraient pu susciter des oppositions,
un consensus qui fait perdre de sa légitimité à ceux qui
se rebellent en reléguant le conflit au rang des problèmes d'ordre
public et qui vaut à la mairie organisatrice une forte rentabilité
politique. Bien sûr, l'importance de ce phénomène a été
bien mise en lumière par la devise adoptée par le Forum des cultures
de Barcelone. Les organisateurs ont dû transpirer sang et eau pour trouver
une triade de concepts capable de faire naître à l'égard d'un
événement de nouveau style une acceptation comparable à celle
que suscite la longue tradition olympique : " Paix, diversité culturelle
et soutenabilité " sont, à l'évidence, des idées
auxquelles il est difficile de s'opposer. De même, l'offensive propagandiste
autour de l'America Cup - qui, événement absolument inconnu il y
a peu, est devenu, si on en croit El País, " un événement
qui, dans le monde sportif, équivaut à des Jeux olympiques (21)
" (sic) - donne un bon exemple de l'importance qu'on accorde à l'acceptation
des citoyens. Naturellement, la recherche du consensus, qui va de pair avec la
volonté d'offrir une image positive de la ville, entraîne toujours
un haut niveau de répression. À Sydney, sous la devise " Un
rêve que nous partageons tous ", on a autorisé la construction
d'un chapiteau dédié à la culture indigène près
du stade principal, alors que la crainte de possibles actions de protestation
de groupes antiracistes conduisit le CIO à imposer un contrat par lequel
on interdisait les discours politiques, les manifestations et les marches pendant
la période des Jeux (22). À Atlanta, on arrêta 10 000 sans-abri
dans les semaines précédant les olympiades de 1996 et on donna à
beaucoup d'autres d'entre eux un ticket d'autobus pour qu'ils puissent quitter
la ville. À Barcelone, des groupes d'okupas [squatters] et autres collectifs
militants opposés au Forum des cultures ont dénoncé une augmentation
du niveau de répression, et il en va de même à Valence, où
la présence du délégué du gouvernement Juan Cotino
(ex-directeur général de la police, connu pour ses projets de "
tolérance zéro ") assombrit encore un peu plus la situation.
Que
faire ? Que peut-on espérer ?
Paradoxalement, la volonté générale
de donner une image positive de la ville aux visiteurs et spectateurs peut offrir
aux divers groupes de contestation présents sur place une occasion de faire
entendre leurs revendications. Les activistes et les groupes militants peuvent
mettre l'événement à profit pour mettre sur le tapis certains
problèmes qui attendent une solution et forcer les autorités à
s'impliquer dans l'affaire pour ne pas nuire à leur image. Dans le cas
de Madrid, il est évident que c'est maintenant, alors que rien n'est encore
décidé, qu'il faut tenter de faire pression sur elles (23). Cependant,
il est clair que l'absence d'une opposition organisée ne présage
rien de bon. Comme le déclarait El País, l'approbation par le Congrès
des députés de la candidature de Madrid s'est produite " sans
l'ombre d'une fissure ". L'appui à l'initiative a été
unanime et a rassemblé une infinité de secteurs : syndicats, universités,
partis, entreprises, etc.
Bien sûr, on ne peut écarter la possibilité
d'une implication de tous les partis de gauche dans des affaires urbanistiques,
cependant, dans le cas du soutien enthousiaste de Izquierda (24), la situation
doit être rapportée à l'acceptation de l'idéologie
" développementiste " de la part de la gauche institutionnelle,
qui est toujours convaincue de ce que de bons indices macro-économiques
finissent par bénéficier à l'ensemble de la population. En
effet, il semble que, à gauche, on continue de croire que le capital privé
crée des emplois et qu'il paie d'autant mieux qu'il fait des bénéfices
; et qu'il vaut la peine d'accepter de faire des concessions aux entreprises pour
qu'elles créent des postes de travail, même si la flexibilité
établie par la législation pour contenter les entreprises permet
à ces dernières de mettre la clé sous le paillasson le lendemain
même du jour où s'achève pour elles la période des
exemptions fiscales ou après avoir vendu les terrains que le gouvernement
leur avait cédés à vil prix. Évidemment, au point
où nous en sommes, il devrait être évident pour tous qu'une
ville qui se soucie de créer un " bon climat " pour les affaires
n'est pas une ville faite pour les gens, et, en tout cas, qu'elle est incompatible
avec l'existence d'une classe ouvrière forte et capable d'influer sur ses
conditions de travail. Je ne suis pas en train de défendre je ne sais quelle
" pause " ou quel retour en arrière de l'évolution économique,
afin de retrouver une sorte d'hypothétique paradis perdu. Je ne suggère,
en réalité, qu'une seule chose : que l'opposition devrait essayer
de formuler des alternatives de développement différentes des stratégies
prônées par les propagandistes de la ville comme " machine de
croissance (25) ", des alternatives qui remettent en avant la vieille distinction
entre valeur d'usage et valeur d'échange, que seules les élites
locales peuvent se permettre de négliger, occupées qu'elles sont
à proclamer l'identité entre développement économique
et bien-être général. Le cas des macro-événements
ne fait que mettre en relief cette tendance de la gauche officielle à tomber
continuellement - et je veux croire ingénument - dans les pièges
qui se cachent derrière les manœuvres propagandistes les plus grossières.
" Un politicien habile est celui qui favorise la croissance et offre aux
gens du pain et du cirque. (26) "
Traduit de l'espagnol
par Miguel Chueca.
1 Le lecteur aura reconnu le thème
du documentaire Roger and Me. (N.d.T.)
2 Pour un exemple plus proche, on se
reportera à l'analyse que fait l'historien Rubén Vega à propos
des tentatives des différents gouvernements des Asturies pour attribuer
les problèmes de la reconversion et de la crise au découragement
et au pessimisme généralisé dans l'entrevue parue dans le
livre IKE. Retales de la reconversión (sous la direction de Carlos Prieto),
Madrid, Ladinamo, 2004 (cf. compte rendu dans La Question sociale n°2).
3
L'effet est très similaire à la fameuse esthétisation de
la vie politique à laquelle, selon Walter Benjamin, poussait le fascisme,
et qui consiste à offrir aux masses une occasion de s'exprimer sans leur
laisser à aucun moment la possibilité de faire valoir leurs droits.
Cf. " L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique
", in Œuvres, t. III, Folio essais, Gallimard, Paris, 2000.
4 Le présent
texte a évidemment été rédigé avant la décision
favorable à la ville de Londres. (N.d.T.)
5 L'expression de " gouvernement
urbain " est la traduction de la notion de " urban governance "
employée par David Harvey, laquelle inclut l'administration publique et
les diverses élites locales : chambres de commerce, industriels, propriétaires
fonciers, constructeurs, etc. Cf. " From managerialism to entrepreneurialism
: the transformation of urban governance in late capitalism› ", Geografiska
Annaler, série B, n° 71, 1989.
6 C'est là une des idées
qu'on trouve exposées fréquemment dans les livres de David Harvey
(dont The Urban Experience, Oxford, Basil Blackwell, 1989, chapitre 9).
7 "
L'industrie du tourisme de masse est un phénomène relativement récent…
" (Maurice Roche, " Mega-events and micro-modernization ", British
Journal of Sociology, vol. 43, n° 4, décembre 1992).
8 Cf. http://www.movimients.net/resistencias2004
9
Joaquim Verges, prologue à Economía, trabajo y empresa. Sobre el
impacto económico y laboral de los Juegos Olímpicos de 1992, Madrid,
Consejo Económico y Social, 1997, p. 21.
10 Selon une étude particulièrement
prudente autour du thème de l'impact économique des JO de Sydney
2000, le " tourisme olympique " (et celui des " événements
en général ") met en évidence des règles de consommation
différentes de ceux du touriste habituel, qui a coutume de dépenser
dans l'industrie des loisirs, ce qui a pour effet d'augmenter le total des impôts
touchés par l'État. Une bonne part des dépenses du "
touriste olympique " signifie simplement un déplacement d'autres activités,
un phénomène qui a été observé en particulier
à Atlanta où des types de loisirs comme le cinéma, les restaurants
ou les théâtres purent à peine entrer en concurrence avec
les olympiades et subirent une forte contraction. Cf. Economic Impact of the Sydney
Olympics Games (http://treasury.
nsw.gov.au).
11 Outre les revenus en provenance
des droits télévisés, Madrid espère obtenir un milliard
de dollars pour le comité d'organisation par le biais de subventions, de
sponsoring, de donations et de vente d'entrées. Naturellement, on a déjà
vu apparaître des soupçons de tripatouillages associés à
ces énormes flux d'argent. Toutefois, je ne commenterai pas ici sur les
affaires du CIO, sur ses pratiques autoritaires, sur les accusations de subornation
portées contre lui et sur d'autres perversions olympiques comme le passé
franquiste et phalangiste de Samaranch, sur la très frappante occultation
de certaines affaires de dopage ou encore sur la mesquinerie montrée par
les chefs de la " famille olympique " quand ils ont refusé l'usage
du logo des cinq anneaux au Comité para-olympique international. Sur ces
thèmes, on consultera les livres d'Andrew Jennings : The Lords of the Rings,
1992, et The New Lords of the Rings, 1996.
12 Cf. Miren Etxezarreta et alia,
La ciutat de la gent, Barcelona, Fundació Tàpies, 1996.
13 Tant
cette déclaration que les autres effectuées par le même Ignacio
del Río sont tirées d'un chat d'Internet organisé par le
quotidien El Mundo (http://www.el-mundo.es/encuentros/invitados/2003/01/593).
14
" Forum 2004, ¿ qué supone ? ¿ qué significa
? ", texte préparé par le Seminario de Economía Crítica
OCHUB (http://www.moviments.net/resistencias2004). Cf. aussi mon article "
Forum Barcelona 2004. El gran negocio del multiculturalismo ", Ladinamo,
n°10, mai-juin 2004.
15 Cf. Joaquín Estefanía, " Construcción
: el otro capitalismo español ", El País, 3 mai 2004.
16
Il faut garder à l'esprit que la grande majorité des travaux effectués
sur des fonds publics qui sont liés à la candidature olympique se
feront dans tous les cas, que Madrid soit ou pas choisie comme siège des
Jeux.
17 On a souvent mis en garde contre les conséquences indésirables
des facilités que le Plan général de Madrid accorde aux entreprises
pour qu'elles transforment leur sol industriel en tertiaire ou résidentiel
: en effet, non seulement cette permissivité contribue à un "
réchauffement " encore supérieur du secteur immobilier, mais
en outre elle peut aider à la fuite des industries encore présentes.
18
Curieusement, ce terrain de golf de soixante-dix hectares est une des infrastructures
qui, selon Ignacio del Río, aidera à l'amélioration environnementale
de la zone est de Madrid.
19 Kris Olds, " Urban Mega-Events, Evictions
and Housing Rights : The Canadian Case "…
20 Pío García-Escudero,
" Rehabilitar es cosa de todos ", El Mundo, suplemento " Su vivienda
", 7 novembre 2003.
21 El País, supplément " Propiedades
", 9 janvier 2000.
22 Cf. John Pilger, The New Rulers of the World, Londres,
Verso, 2002, p. 200.
23 Les stratégies peuvent aller de la plus radicale,
menée à Berlin, où de nombreuses actions de désobéissance
poussèrent le CIO à ne pas sélectionner cette ville comme
siège des olympiades de l'année 2000, jusqu'à la plus "
civilisée "…
24 Gauche unie, coalition regroupant le PCE et divers
petites organisations de gauche. (N.d.T.)
25 J'emprunte l'expression au livre
de John R. Logan et Harvey L. Molotch, Urban Fortunes. The Political Economy of
Place, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1987.
26
J. R. Logan et H. L. Molotch, op. cit., p. 68
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