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Villes
et crise de civilisation
José
Manuel Naredo
* Spécialiste reconnu d'économie
environnementale, José Manuel Naredo a contribué à de nombreux
ouvrages consacrés aux ressources naturelles.
La
crise urbaine induite par le capitalisme industriel au xixe siècle fut
surmontée par l'intervention de l'État et grâce au développement
technique. Mais la crise actuelle est d'une autre profondeur : non seulement le
modèle de développement urbain qui s'impose partout de manière
uniforme n'est pas viable écologiquement parlant, mais il s'applique aussi
de façon inégalitaire en accumulant misère et frustration
dans les villes du Sud. En cela, cette crise est indissociable d'une crise de
civilisation.
Cities
and the crisis in civilization
The urban crisis produced by industrial capitalism
in the 19th century was overcome by State intervention and thanks to technical
advances. But the present crisis is much deeper: the urban development model prevailing
uniformly everywhere is not only not ecologically sustainable, but also, it is
applied in an inegalitarian manner, accumulating poverty and frustration in the
cities of the South. This makes the crisis inseparable from a civilizational crisis
Ciudades
y crisis de civilización
La intervención del Estado y el desarrollo
técnico permitieron superar la crisis urbana causada por el capitalismo
industrial del siglo XIX. La crisis actual, sin embargo, es mucho más profunda
: no sólo el modelo de desarrollo que, de forma uniforme, se va imponiendo
por doquier no es viable en términos ecológicos, sino que, además,
se viene aplicando de manera desigual, acumulando miseria y frustraciones en las
ciudades del Sur. Está claro ya que dicha crisis es simultáneamente
una crisis de civilización
Città
e crisi di civilizzazione
La crisi urbana indotta dal capitalismo industriale
nel XIX° secolo fu superata attraverso l'intervento dello stato e grazie allo
sviluppo tecnologico. Ma la crisi attuale è di tutt'altra profondità:
non solo il modello di sviluppo urbano che si impone universalmente in modo uniforme
non è ecologicamente sostenibile, ma si applica in maniera inegualitaria,
accumulando miseria e frustrazione nelle metropoli del Sud. Da questo punto di
vista questa crisi è indissociabile da una crisi di civilizzazione.
Le
succès du projet de modernité civilisatrice dans lequel nous vivons
réside dans sa capacité à étayer ses fondements sur
des valeurs qu'on suppose universelles, transcendantes et, par conséquent,
étrangères à des considérations spatio-temporelles.
La science économique a joué un rôle fondamental dans ce réductionnisme,
en constituant le noyau dur de la rationalité sur laquelle repose ce qu'on
appelle la pensée unique. La réflexion économique standard
se situe sur un terrain purement instrumental, au service de l'instinct de compétition
le plus aveugle et du mécanisme sans frein du développement économique,
ignorant les dommages sociaux et environnementaux créés par ce modèle
ou aidant à les faire accepter comme quelque chose de normal ou d'inévitable,
à l'instar de la grêle ou de l'orage. Cependant, le territoire porte
témoignage - dans les paysages urbains, péri-urbains et ruraux -
des dommages physiques et sociaux qu'on lui inflige.
La situation critique
de la civilisation actuelle suscite une lutte sourde entre ces discours qui magnifient
" la marche irrésistible vers le progrès " de notre société,
et les signes de régression de plus en plus ostensibles qui montrent la
détérioration écologique et la polarisation sociale. La pensée
unique se donne le plus grand mal pour mettre l'accent sur les signes de progrès
tout en occultant les signes de régression. Dans ce combat, il faut mentionner
deux nouveautés : l'une, l'importance sans précédent prise
par les phénomènes urbains et les problèmes et détériorations
qu'ils engendrent ; et l'autre, les moyens de diffusion et de dissuasion, également
sans précédent, dont dispose la pensée unique pour favoriser
le conformisme et désactiver la dissidence.
La crise urbaine du
xixe siècle dans les pays industrialisés et ses enseignements
Les
grandes concentrations urbaines induites par la révolution industrielle
supposèrent une rupture totale avec les modèles qui, avec diverses
variantes, avaient présidé jusqu'à ce moment à la
configuration des villes. Ces concentrations rompirent les idées antérieures
d'unité dans le tracé qu'on avait des villes, faisant que leur construction
et leur restructuration continuelles évoluent de façon erratique
et incontrôlée, pour déboucher sur le panorama des modernes
conurbations 1.
L'implantation de l'État moderne comme affirmation d'un
nouveau pouvoir politique prépara le chemin à l'ordre des choses
actuel. L'expression territoriale du nouveau complexe culturel, politique et social
trouva sa traduction dans ce que Mumford et quelques autres auteurs ont appelé
la " ville baroque ". La ville baroque mit à bas les anciennes
enceintes pourvues de murailles et déploya dans un espace ouvert un plan
géométrique où primaient la perspective horizontale, les
longues avenues et le trait orthogonal, par opposition aux rues étroites
et courbes et au tracé plus organique des enceintes médiévales.
Le poids déterminant de l'autorité politique fondatrice des nouveaux
États explique la fermeté planificatrice sous-jacente aux réalisations
de la ville baroque qui, s'échelonnant dans le temps, coexistèrent
avec les autres styles du tissu urbain préexistant et formèrent,
au sein du Vieux Continent, ce qu'on appelle communément la ville classique
ou historique. Le projet de ville baroque fut une parenthèse dans le démantèlement
de la vieille culture urbaine, avant de céder la place à un modèle
d'urbanisation plus approprié au capitalisme, et qui est toujours le nôtre
aujourd'hui.
Comme on sait, le capitalisme, pour maximiser les bénéfices,
a orienté la gestion du monde physique à partir du monde des valeurs
monétaires. Ce critère de gestion est un puissant outil de détérioration
du patrimoine (naturel et construit) de la société : les agents
économiques travaillent pour leur seul bénéfice en exploitant
des biens libres (ou appartenant à des tiers) ou en reportant les coûts
sur d'autres agents ou territoires situés en dehors de leur univers comptable.
Ce principe de l'accroissement des bénéfices privés au détriment
de l'intérêt public (ou de tiers) est à l'origine de la crise
de l'urbanisation massive induite par le capitalisme industriel du xixe siècle.
L'image
peu recommandable que présentaient les villes de l'Angleterre du xixe siècle
déboucha sur un fort mouvement de réflexion et de protestation.
L'importance inédite du nouveau phénomène et le désir
de discuter, preuves en main, de l'ampleur et de la gravité des problèmes
créés furent à l'origine de nombreuses études et statistiques.
Les enquêtes et les recensements permirent de quantifier la pauvreté
et confirmèrent que les nouvelles agglomérations urbaines de l'époque
entraînaient des taux de mortalité supérieurs à ceux
du milieu rural 2, à cause des conditions de vie déplorables d'une
partie importante de la population.
Cette situation déchaîna en
Angleterre un fort mouvement anti-urbain qui suscita, à son tour, chez
des politiciens, des édiles et des philanthropes, des désirs de
réforme visant à corriger les aspects les plus négatifs d'un
processus d'urbanisation dont la " ville monstre " de Londres donnait
la pire illustration. Il s'agissait surtout de pallier l'insalubrité et
l'insécurité en améliorant les conditions de vie des pauvres
vivant en milieu urbain, pour en faire quelque chose de plus sain et de plus sûr.
Le
résultat final de tous ces efforts fut qu'on sépara une fois pour
toutes la morale de la pathologie urbaine, en postulant qu'il n'était pas
nécessaire de changer la société, ni même de réduire
la taille des concentrations urbaines, mais qu'il suffisait que celles-ci respectent
certains standards de salubrité. Voyant que les maladies infectieuses expliquaient,
pour l'essentiel, les forts taux de mortalité urbaine, on essaya d'améliorer
les conditions d'hygiène de la ville et des logements, en contrôlant
la densité de la population, en pavant les rues et en procédant
au ramassage des ordures, etc. Devant l'évidence que le marché ne
résolvait pas de lui-même ces problèmes, on envisagea la nécessité
légale d'établir une série de règles minimales de
densité et de salubrité, parmi lesquelles figurait la dotation emblématique
d'un w.-c. par famille.
Les taux de mortalité (et de natalité)
urbaine baissèrent dans l'Angleterre de la fin du xixe siècle pour
se situer au-dessous de ceux du milieu rural, anticipant le modèle démographique
que les autres pays industrialisés finirent par suivre les uns après
les autres. Grâce aux tout-puissants leviers de la science et de la technique,
on trouva une issue raisonnable à la crise suscitée par les nouvelles
agglomérations du xixe siècle. La foi dans le progrès revécut,
dans le même temps que déclinait l'anti-urbanisme mentionné
plus haut et qu'augmentait la confiance dans les pouvoirs du capitalisme et les
aspects bénéfiques du développement économique (et
urbain).
On put, de la sorte, améliorer le confort et la propreté
de l'environnement urbain, mais au prix d'une plus grande occupation de terrain,
d'une plus grande utilisation de ressources exogènes, de l'évacuation
vers les zones suburbaines d'une pollution grandissante et de l'augmentation des
besoins de transport.
Extension et importance de l'actuel phénomène
urbain
Les villes de l'Antiquité ou du Moyen Âge avaient une
dimension très inférieure à celle des agglomérations
actuelles. En 1800, seule la ville de Londres atteignait le million d'habitants,
à un moment où l'Angleterre était le pays le plus urbanisé
du monde. En 1850, deux villes dépassaient le million d'habitants : Londres
(2,3 millions) et Paris (1,1 million). En 1900, elles sont déjà
dix, avec à leur tête Londres (4,5), New York (3,4) et Paris (2,7).
En 1910, leur nombre est passé à treize : parmi elles, plusieurs
villes situées dans d'ex-pays coloniaux. Celles-ci vont prendre bientôt
le premier rang en matière de population : aujourd'hui, entre les agglomérations
de plus de 10 millions d'habitants on trouve Mexico, São Paulo, Calcutta,
Shanghai, etc.
On peut résumer le tournant dans l'évolution de
la population urbaine de la façon suivante. La population des villes de
plus de 100 000 habitants représentait 16 % de la population mondiale en
1950 ; elle est passée à 24 % en 1975 et à 50 % en 2000.
Il convient, cependant, de souligner le poids déterminant pris par les
pays pauvres ou moins développés dans le processus d'urbanisation
mondiale. En 1950, la population urbaine située dans les pays riches ou
développés était deux fois plus importante que celle des
pays pauvres. En 1975, la population urbaine était moitié dans les
uns et moitié dans les autres. En 2000, enfin, la population urbaine des
pays pauvres était déjà le double de celle des pays riches.
Les problèmes dérivés de l'urbanisation massive ont donc
cessé d'être une prérogative des pays riches, comme c'était
le cas il y a un siècle, pour devenir un problème de premier ordre
dans les pays pauvres, dont le taux d'urbanisation a augmenté dans la proportion
qu'on vient de voir, en passant de 7,8 % en 1950 à plus de 40 % cinquante
ans plus tard.
Les critères qui orientent l'ordre actuel des choses
Le
modèle différent de ville, ou plutôt de non-ville, auquel
se rapportaient les premières conurbations reflétait déjà
l'hégémonie du capitalisme sur l'autorité politique. Cette
hégémonie dut respecter les nouveaux standards de qualité
urbaine. Mais, à mesure que ladite hégémonie s'étendait
au monde entier, on assista aussi à la généralisation du
nouveau modèle d'ordre territorial, avec quelques variantes cependant,
que nous verrons plus loin. La mondialisation économique dont on parle
tant, et l'extension subséquente de la pensée unique, entraînent
l'application planétaire d'un modèle unique d'aménagement
du territoire. En voici les traits essentiels. En premier lieu, je crois avoir
déjà démontré 3 que les règles du jeu économique
mises en œuvre par le capitalisme tendent à aménager le territoire
en " noyaux d'attraction de capitaux et de produits (plus denses en population
et en information) et en zones d'appropriation [des ressources] et de dissémination
des déchets ". À côté de cette tendance générale,
qui fonctionne à l'échelle nationale et internationale, on en voit
apparaître d'autres qui expliquent de manière plus fine l'universalité
du modèle apparemment chaotique des conurbations. Elles procèdent
de la confluence de certains présupposés technico-économiques
qu'on peut résumer comme suit :
1) Avec le capitalisme, la majorité
des immeubles et des logements ne sont plus construits directement pour la jouissance
de leurs futurs usagers, mais pour la vente (ou la location) par des entités
intermédiaires à la recherche d'un bénéfice monétaire.
Cette finalité fait qu'on tend à maximiser le volume construit par
unité de surface jusqu'aux limites permises par les réglementations
en vigueur et que les propriétaires du sol essaient de modifier sa qualification
et d'imposer des normes plus laxistes.
2) Le perfectionnement technique ainsi
que la baisse des coûts du fer et du béton à partir de la
fin du xixe siècle ont doté les édifices d'un squelette de
poutres et de piliers indépendant des murs et capable de supporter de nombreux
étages, ce qui a permis de mettre en place un volume construit par unité
de surface très supérieur à celui des immeubles traditionnels.
Ces
deux présupposés ont permis la généralisation, à
travers le monde, d'immeubles d'apparence très uniforme, créant
une esthétique universelle en consonance avec la prédominance d'une
pensée unique. En même temps, les nouvelles possibilités d'augmenter
le volume construit sur le sol occupé par des édifices anciens fut
à l'origine de processus sans précédent de démolition
de la ville historique, du moins là où le cadre institutionnel le
permettait.
Les avancées techniques observées dans le domaine
des transports et des communications ont facilité l'énorme extension
qui caractérise la conurbation diffuse, le urban sprawl 4 de notre temps.
Si la réduction de l'entassement dans les villes aida naguère à
l'amélioration de la salubrité urbaine, l'extrême dispersion
actuelle et la grande dépendance à l'égard du transport constituent
à présent un des principaux facteurs de la détérioration
de l'environnement urbain.
Des modèles non viables
Un des
plus graves problèmes posés par l'actuel processus d'urbanisation
est ce désir accepté par tous d'étendre au monde entier les
modèles urbains de vie des grandes métropoles, alors que ces modèles
ne sont manifestement pas viables pour l'ensemble de la population : leur généralisation
entraîne des exigences en matière de ressources et de déchets
qui dépassent les possibilités de notre milieu naturel, faisant
apparaître du coup l'absurdité de ces modèles.
Cependant,
le problème n'est pas seulement qu'on propose à l'espèce
humaine un modèle de " progrès " qui, à la lumière
de la logique la plus élémentaire, se révèle non viable,
mais encore que, ces derniers temps, la distance entre les riches et les pauvres
n'a fait que s'accentuer à l'échelle planétaire, avec l'accroissement
du fossé entre le Nord et le Sud et l'apparition de poches de pauvreté
et de marginalité dans le Nord lui-même.
Le développement,
dans sa vaine prétention d'éradiquer la pauvreté, n'a pas
permis d'améliorer les conditions de vie des sociétés périphériques
au capitalisme. Il peut même être à l'origine de situations
de pénurie et de déracinement plus grandes que celles qu'il prétendait
corriger : les gens privés de travail apparaissent comme des résidus
obsolètes, inadaptés aux nouvelles exigences du développement,
et finissent par s'engager sur la pente qui mène à la marginalité
sociale et au déclin personnel.
Ainsi, il convient de ne pas regarder
le processus actuel d'urbanisation en cours dans les pays pauvres comme la répétition
de celui qu'ont connu autrefois les pays riches : il suffit, pour s'en convaincre,
de voir la frustration et le déracinement dont témoignent aujourd'hui
les conurbations des ex-pays coloniaux, qui dépassent de loin les problèmes
qui étaient ceux du grand Londres d'il y a un siècle. La qualité
environnementale de Londres s'est sans doute améliorée, ainsi que
celle des anciennes villes industrielles : elle montre que les pays de la métropole
sont dans des conditions infiniment supérieures à ceux du reste
du monde pour maintenir la qualité interne de leurs conurbations et continuer
de développer des formes d'urbanisation non viables à l'échelle
planétaire.
Perspectives de la crise
Les difficultés
à influer sur la marche de la civilisation actuelle et l'aménagement
du territoire qui lui est consubstantiel ne résident pas tant, contrairement
à ce qu'on dit souvent, dans le manque de moyens économiques ou
d'instruments techniques que dans notre incapacité à revoir les
fins qui orientent les comportements dominants de notre société.
Nous avons vu que la crise urbaine traversée par les pays industriels naissants
du xixe siècle fut créée par les défauts de qualité
interne du système lui-même, et qu'elle fut résolue, grâce
à l'intervention de l'État, en mettant intensément à
profit le reste du territoire, tant pour ce qui est de l'appropriation des ressources
que de la dissémination des déchets. Toutefois, la crise actuelle
ne se heurte pas seulement à de nouveaux problèmes de qualité
interne, mais aussi à la détérioration accrue du reste du
territoire. Son traitement oblige donc à reconsidérer les relations
du système urbain avec ce dernier.
L'approche sectorielle et partielle
à laquelle on avait eu recours, avec succès, pour résoudre
la crise antérieure se révèle à présent insuffisante.
Il faut se soucier du fonctionnement du système urbain dans son ensemble
et, dans ce but, reconsidérer la ville comme projet, une attitude qui a
disparu en même temps que la cohésion et la participation sociale
qui, en d'autres temps, furent à l'origine des systèmes urbains.
C'est
à ce prix qu'on réalisera qu'il est nécessaire de reconstruire
le corps social de la ville et de le doter d'organes responsables capables de
contrôler son fonctionnement physique et les atteintes qu'il porte contre
le territoire. Mais alors comment ne pas se rendre compte que la taille surhumaine
des ensembles urbains actuels rend très difficile cette reconstruction,
et doit donc nous conduire à redimensionner de toute urgence cette ville-projet,
en rompant l'inertie expansive des conurbations ? Cela exigerait de faire passer
les buts sociaux et environnementaux avant la recherche du lucre, en suscitant
un processus où, grâce à l'interaction transparente entre
information, participation sociale et réglementation, on pourrait parvenir
à la définition de ce nouveau projet de ville et sa relation avec
le reste du territoire. Toutefois, la dimension internationale et planétaire
des problèmes fait que ceux-ci dépassent de loin la sphère
locale et nationale où leur traitement est resté confiné.
En tout état de cause, la crise de ce modèle d'aménagement
du territoire qui s'est étendu au monde entier ne pourra être résolue
qu'avec la crise de la civilisation qui l'a engendrée.
En général,
tant les sciences sociales et environnementales que les institutions qui s'occupent
du territoire et de l'environnement consacrent plus d'efforts à occulter
les problèmes de fond suscités par la crise actuelle qu'à
les analyser et à tenter de les résoudre. Le manque déprimant
de données sur l'occupation des sols, sur les flux qui composent le métabolisme
de la société actuelle, sur les conditions de vie de la population
va de pair avec les milliers de satellites envoyés vers l'atmosphère,
avec les énormes ressources destinées à l'étude de
l'environnement ou du climat.
Dans ces conditions, il est probable que les
tendances régressives ne vont pas cesser de sitôt, et que la société
ne va pas prendre conscience de la crise qu'elle traverse. De fait, il est difficile
d'imaginer qu'une civilisation puisse prévoir sa propre crise et consacrer
les moyens nécessaires à sa résolution quand il y va de ses
propres fondements. Le plus probable, c'est que cette crise la prenne en quelque
sorte par surprise, comme cela eut lieu dans la Grèce classique ou dans
la Rome impériale, quand elle présentera des caractères clairement
catastrophiques et difficilement réversibles.
Article
tiré de El Ecologista (n° 34, hiver 2002-2003),
la revue éditée
par l'organisation d'écologie sociale espagnole Ecologistas en acción.
Traduction de Miguel Chueca
1 Ce terme a été
créé par Patrick Geddes (Cities in Evolution, 1915) afin de désigner
cette nouvelle forme d'urbanisation et la différencier de ce qu'on entendait
auparavant sous le nom de ville. Lewis Mumford, pour sa part, parlait plutôt
de " désurbanisation " pour nommer ce même processus, soulignant
par là qu'il supposait la destruction de l'ancienne idée de ville.
2
En 1840, par exemple, le taux de mortalité à Liverpool était
de 71 sur 1000, soit plus du triple de la moyenne enregistrée sur l'ensemble
du territoire anglais. Dans la France de la Restauration, le taux moyen de mortalité
dans les villes était une fois et demi supérieur à celui
de la France rurale. En Europe et aux États-Unis, cette différence
s'est prolongée jusqu'à la fin du xixe siècle et au début
du xxe.
3 Voir le livre coordonné par José Manuel Naredo et Antonio
Valero, Desarrollo económico y deterioro ecológico, Fundación
Argentaria, Madrid, 1999.
4 Littéralement : " étalement
urbain ". ( N.d.T.)
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