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Qu'est-ce
que les I.W.W. ?
Exposé
franc de leurs principes, buts et méthodes
La
plupart des gens vivant en Amérique ont soit lu quelque chose, soit entendu
parler de l'organisation Ouvriers industriels du monde - les I.W.W., comme on
l'appelle communément. Mais bien peu, en réalité, savent
en quoi consiste cette organisation et ce qu'elle cherche à accomplir.
Autour de ce nom, des malentendus multiples sont nés. L'image des I.W.W.
forgée dans l'opinion publique par la presse du pays n'a pas grand-chose
à voir avec la réalité d'aujourd'hui. C'est bien pour cette
raison que nous croyons que cette déclaration explicite des buts, principes
et méthodes des I.W.W. peut vous intéresser.
Fausses
conceptions des I.W.W.
Une partie de l'opinion croit que les I.W.W.
sont une organisation secrète constituée surtout d'étrangers,
qu'elle agit dans l'ombre, où elle incite à la violence et au carnage,
qu'elle complote à la destruction de la vie et de la propriété
et, pour finir, qu'elle vise à renverser le gouvernement des États-Unis
! Certaines puissantes organisations du pays se fixent régulièrement
comme tâche de faire naître pareils malentendus sur son compte.
Les
I.W.W. sont totalement étrangers à tout ce qui aurait pour but d'alimenter
l'action ou la révolution politiques, comme vous le comprendrez facilement
en lisant les pages suivantes. Nous ne demandons pas aux hommes quelles sont leurs
inclinations politiques, ni de quelle religion ou de quelle couleur de peau ils
sont. Cela ne nous intéresse pas. Nous répudions toute tentative
de classifier ainsi nos compagnons d'humanité. En vérité,
notre organisation se désintéresse tellement des problèmes
politiques, religieux ou raciaux qu'elle interdit formellement toute propagande
dans nos rangs qui tendrait à détourner l'attention publique de
notre objectif, à engendrer la révolte et le démembrement
de la nation. Dans notre classification, les hommes se rangent, en fonction de
leur position économique dans la société, dans la classe
capitaliste parasitaire ou dans la classe ouvrière productive. Nous centrons
notre attention sur la question également vitale pour tous, à savoir
la question économique, ne nous arrêtant à d'autres questions
que lorsque d'autres courants étrangers croisent notre chemin, retardant
ainsi notre action, ou parfois encore dans des buts purement éducatifs,
mais jamais pour servir par des moyens de propagande un parti, une secte religieuse
ou une race de préférence à d'autres.
Les I.W.W.
sont un syndicat ouvrier révolutionnaire
L'initiative qui donna
naissance aux I.W.W. fut prise en 1904, mais la création d'un nouveau syndicat
ouvrier s'accomplit lors de la grande convention de Chicago en 1905, où
les principes, buts, méthodes et structure de l'organisation furent finalement
proposés et adoptés, pour rester pour l'essentiel inchangés
jusqu'à aujourd'hui.
Les I.W.W. devinrent alors un syndicat ouvrier
; ce qu'ils demeurent jusqu'à ce jour. Quiconque essaie de vous les présenter
sous un autre jour se rend coupable d'accusation mensongère. Les membres
de ce mouvement économique n'ont pas, comme les différents partis
politiques, les yeux rivés sur les lieux d'administration et de pouvoir
; leur regard s'arrête aux industries manufacturières, aux moulins,
aux ateliers et autres lieux de production et de distribution. Nous ne faisons
pas de distinction entre l'Américain qui, par droit de naissance, possède
le droit de vote et l'étranger qui s'en trouve privé. Quiconque
travaille pour un salaire, qu'il soit homme, femme ou enfant, est éligible
comme membre du syndicat et, comme tel, détient le droit de vote dans notre
organisation.
Les I.W.W. sont un syndicat industriel mondial
Les
fondateurs de ce syndicat ouvrier maintenant célèbre dans le monde
entier l'ont nommée " Les Ouvriers industriels du monde ", indiquant
par là que l'organisation devrait avoir pour but d'unir en un groupe compact
tous les ouvriers industriels du monde. Cet objectif n'a pas encore été
atteint, mais l'influence des I.W.W. se fait sentir à de très grandes
distances. Des administrations se sont formées en Angleterre, en Australie
et dans le sud de l'Afrique ; au Mexique, en Argentine et au Chili ; en Scandinavie
et dans d'autres pays encore. Cependant, si les I.W.W. ont le droit de se présenter
comme le syndicat universel, c'est surtout en raison de l'influence irrésistible
que nous exerçons sur d'autres organisations ouvrières, poussées
par nous à adopter notre programme, dans l'esprit ou dans la lettre. L'influence
de notre organisation dans le monde est grande, même si le nombre de nos
adhérents ne dépasse pas 100 000 aux États-Unis d'Amérique.
Nous avons émis plus d'un million de cartes, et il existe maintenant des
membres de l'organisation dans tous les pays du monde. On en trouve dans les mines
de houille du Spitzberg, à proximité du pôle Nord. On en trouve
dans les pêcheries de baleines de Géorgie du Sud, aux confins du
pôle Sud. On en rencontre sur tous les bateaux qui parcourent les mers,
et la semence de notre propagande dont ils sont porteurs s'implante dans les terres
fertiles de ces lointains rivages.
À présent, alors que toutes
les autres théories sociales et mouvements politiques ont trahi leurs promesses
et ne laissent augurer d'aucun succès futur, l'organisation I.W.W. règne
seule dans l'esprit des ouvriers, maître de la situation dans le monde entier.
L'idéal de ses fondateurs se trouve donc ainsi réalisé. Tout
ce qui reste à faire maintenant, c'est de transplanter l'idée, de
l'esprit où elle est née, dans le sol fécond de la vie industrielle
: alors l'espoir des fondateurs sera devenu pleinement réalité.
Avec l'aide des syndicalistes industriels des autres pays, nous espérons
donner forme à ce projet en constituant bientôt une Internationale
industrielle.
L'histoire des I.W.W. s'est forgée dans le sang
Au
départ, les membres des I.W.W. étaient surtout des mineurs de l'Ouest,
des sidérurgistes, des employés des chemins de fer et des ouvriers
agricoles itinérants. Au fil des années, l'organisation a étendu
son activité à un grand nombre d'autres industries; elle compte
à présent 29 syndicats industriels à caractère national,
dont le syndicat industriel des ouvriers de transport maritime, qui cherche déjà
à s'imposer à l'échelle internationale. On trouvera la liste
de ces syndicats ci-après. Une bonne partie de ses membres sont des travailleurs
itinérants, et les syndicats les plus puissants sont ceux des mineurs,
des ouvriers des industries du bois de construction, des ouvriers agricoles, des
ouvriers du bâtiment, du transport maritime, de la métallurgie, du
textile et des chemins de fer.
Ces dernières années, les I.W.W.
ont dirigé avec plus ou moins de succès de nombreuses grèves,
grandes et petites, dans diverses industries, mais récemment leurs efforts
ont été couronnés de grands succès.
C'est surtout
dans l'amélioration du sort des travailleurs temporaires des industries
du bois de construction, des mines et de l'agriculture qu'ils ont obtenu des résultats
; les ouvriers du transport maritime et ceux du textile ont également gagné
de gros avantages sous leur bannière. Avant l'avènement des I.W.W.
et pendant leurs débuts, le sort des ouvriers itinérants qui parcouraient
le pays leurs couvertures sur le dos étaient tout simplement désespéré.
Lorsqu'un homme rejoignait par malheur les rangs de ces infortunés, il
lui était presque impossible de se refaire une place dans la société,
il devenait un paria. Aujourd'hui, grâce aux I.W.W., les choses ont changé.
Ces ouvriers ont désormais du pouvoir, avec l'espoir et l'amour-propre
qui en découlent. Mais nous ne pouvons entrer dans les détails dans
le cadre de cette brève déclaration.
Naturellement, l'activité
principale de l'organisation a jusqu'à présent été
d'ordre éducatif et de propagande. En accomplissant cette tâche,
les I.W.W. se sont trouvés à maintes reprises en conflit avec les
autorités sur des questions de liberté d'expression, de liberté
de presse et de liberté de réunion.
Dix mille personnes
jetées en prison
Si l'on devait publier les noms de tous les membres
des I.W.W. qui ont été jetés en prison depuis la naissance
de l'organisation, on aurait de quoi remplir un livre aussi volumineux que l'annuaire
du téléphone d'une grande ville. Plus de mille membres ont été
jetés en prison pendant les luttes pour la liberté d'expression
que les I.W.W. ont été contraints de mener dans différents
coins du pays. Environ 900 membres ont été arrêtés
pendant la grève des ouvriers textiles de Lawrence (Massachusetts) en 1912,
et 100 autres à Little Falls (État de New York) un peu plus tard,
en 1912-1913 ; 1 800 ont été incarcérés lors de la
grande grève du textile de Paterson (New Jersey), en 1913 ; 1 164 ont été
illégalement " capturés " à Bisbee (Arizona) en
1917 et " déportés " dans le désert du Nouveau
Mexique, où ils ont été parqués comme du bétail
pendant des mois sans motif sérieux ni semblant de procédure. Des
milliers de membres de la Confédération des mineurs de l'Ouest ont
fait l'expérience de la justice bourgeoise et de la prison à l'époque
où cette organisation faisait partie des I.W.W. En 1920, une liste très
incomplète de tous les membres des I.W.W. incarcérés depuis
le début de la guerre faisait apparaître 1 327 noms. Depuis, c'est
un courant permanent de membres des I.W.W. qui passe les portes des prisons. Récemment,
450 ont été arrêtés à Portland (Oregon) sans
aucun motif sérieux. Actuellement, on en compte encore deux cents derrière
les murs des prisons, dont certains condamnés à perpétuité,
d'autres à cinq, dix, quinze, vingt ans de travaux forcés dans les
pénitenciers - et tout cela en raison de leurs activités au sein
des I.W.W. Le nombre total des membres des I.W.W. jetés en prison depuis
1905 s'élève à plus de dix mille.
En dehors des
règles sociales
Une vingtaine de membres des I.W.W., voire davantage,
ont été lâchement assassinés par nos ennemis et leurs
complices.
Mais à côté de ces crimes majeurs, d'innombrables
autres ont été commis contre nous, au nom de " la loi et l'ordre
" ou sans aucune sanction officielle. En grand nombre, des membres des I.W.W.
ont été couverts de goudron et de plumes, déportés,
battus, privés de leurs droits civiques, exilés ; certains ont vu
leur maison et leurs biens séquestrés, se sont vu refuser le droit
de se défendre, imposer des cautions exorbitantes ; d'autres encore ont
été soumis à l'esclavage forcé, enlevés de
force, soumis à des châtiments cruels, à des accusations injustes
et sans fondement, condamnés à des amendes excessives ; certains
sont morts en prison en attendant leur jugement, d'autres ont été
persécutés au point parfois de devenir fous, ou exclus du droit
au courrier. La liberté de presse, d'expression, de tenir des réunions
publiques et toutes les autres garanties inscrites dans le Bill of Rights leur
ont été refusées.
Les membres des I.W.W. se sont vu dénier
les droits que la Déclaration d'indépendance proclame inviolables
: la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Les quartiers généraux
de l'organisation, son mobilier, ses publications, ses timbres, sa littérature
ont été illégalement séquestrés ou détruits.
Les
I.W.W. survivent car c'est sur la nécessité économique que
se fonde leur programme
On comprend facilement pourquoi il n'y a que les
hommes et les femmes de courage et de conviction pour rejoindre volontairement
semblable organisation. Mais la majorité de ses membres ne la rejoignent
pas volontairement, ils y sont poussés par la faim, la pauvreté,
la misère et le désespoir, de la même manière que les
bords d'une rivière en crue sont détruits et emportés jusqu'à
la mer par les eaux torrentielles. C'est à la turbulence d'un capitalisme
qui s'effondre que les I.W.W. doivent la plupart de leurs membres.
Les persécutions
n'ont donc pas réussi à faire disparaître ou à anéantir
les I.W.W. Bien au contraire, nos enseignements s'étendent comme un feu
de prairie qu'aucune forme de violence ne peut éteindre. Pour chaque centaine
de nos membres jetés en prison, des dizaines de milliers viennent nous
rejoindre, encourageant par leur présence ceux qui se sont engagés
sur le front des luttes. Cet état de fait devrait à nos yeux convaincre
notre adversaire qu'il y a une grande force naturelle derrière notre mouvement,
et qu'il est aussi vain de nous persécuter que ce l'était pour Xerxes,
le roi des Perses, de faire fouetter les eaux du Bosphore par ses soldats pour
obtenir qu'elles se retirent et laissent passer librement son armée. Cette
force naturelle qu'est la nécessité économique donne à
notre mouvement une puissance morale et matérielle qu'aucune guillotine
ne peut décapiter, qu'aucune prison ne peut soumettre. Même nos adversaires
les plus obtus devraient se rendre compte que, pour survivre à de pareilles
épreuves, les I.W.W. doivent être animés par une vérité
fondamentale, qu'il est impossible d'ignorer. Indifférents aux dangers
qui les menacent, les travailleurs embrassent nos principes comme de véritables
messages de salut.Quels sont donc les principes des I.W.W., qui ont tant semé
la surprise et le trouble dans l'ignorante conscience publique américaine?
Les voici tels qu'ils sont énoncés dans le préambule
de notre Constitution.
Préambule de la constitution des I.W.W.
"
La classe ouvrière et la classe des patrons n'ont rien en commun. Il ne
peut y avoir de paix tant que les quelques personnes qui composent la classe des
patrons jouissent de toutes les satisfactions de la vie tandis que des millions
d'ouvriers souffrent de la faim et se trouvent dans le besoin.
" Entre
ces deux classes, la lutte continuera jusqu'à ce que les ouvriers du monde
entier s'organisent en une unité qui prenne possession de la terre et des
outils de production, et que le salariat soit aboli.
" Nous croyons que
la concentration des industries entre les mains d'un nombre de plus en plus réduit
de personnes met les syndicats de métier (trade unions) dans l'impossibilité
de faire front au pouvoir toujours croissant de la classe des patrons. Les syndicats
de métier favorisent un état de choses qui permet à une catégorie
de travailleurs d'en léser une autre, même au sein de la même
industrie, contribuant ainsi réciproquement à la défaite
commune dans les luttes salariales quotidiennes. En outre, les syndicats de métier
aident la classe capitaliste à faire croire aux ouvriers que la classe
ouvrière a des intérêts communs avec celle qui l'emploie.
"
Cet état de choses ne peut être transformé, les intérêts
de la classe ouvrière ne peuvent être défendus que par une
organisation constituée de telle manière que tous ses membres travaillant
dans une industrie donnée, et même, si nécessaire, dans toutes
les industries, cessent de travailler quand un appel à la grève
est lancé, ou un lock-out décidé, dans quelque branche que
ce soit de telle ou telle industrie, considérant ainsi que le tort fait
à un groupe de travailleurs est un tort fait à tous.
" A
la place du slogan réactionnaire "Même salaire pour une même
journée de travail'', il nous faut inscrire sur notre bannière le
mot d'ordre révolutionnaire "Abolition du salariat".
"
La classe ouvrière a pour mission historique de se débarrasser totalement
de la servitude du capital.'' L'armée des producteurs doit être organisée
non seulement pour la lutte quotidienne contre le capitaliste mais aussi pour
continuer à produire quand le capitalisme sera renversé. En nous
organisant sur une base industrielle, nous préparons la société
à venir dans le cadre de l'ancienne. "
Les buts des I.W.W.
Conformément
à cette déclaration de principes, les I.W.W. proposent d'organiser
toutes les forces humaines productives de ce pays, comme plus tard de tous les
autres, autrement dit tous les travailleurs manuels et d'industrie, en syndicats
industriels, en branches de Syndicat industriel dans les ateliers et en conseils
industriels. Nous reviendrons plus loin sur la structure de notre organisation.
Syndicalisme
industriel et syndicalisme de métier
L'idée d'organiser
les travailleurs sur la base des industries est née en réaction
contre le mode d'organisation des travailleurs par métiers qui prévalait
jusque-là. Les syndicats de métier organisent les travailleurs en
fonction de leurs outils : les charpentiers, les peintres, les chaudronniers,
les ingénieurs... chaque groupe de son côté. Si bien qu'il
se constitue autant de syndicats qu'il y a de différentes boîtes
à outils.
Ce syndicalisme-là divise les ouvriers d'une même
industrie en autant de syndicats qu'elle compte de métiers et, au lieu
de les unir, érige des murailles entre des ouvriers qui se coudoient amicalement
chaque jour.
Prenons l'exemple d'un chantier naval américain où
l'on construit des bateaux en fer. On y dénombre environ quarante métiers
ou types de travaux différents : les ajusteurs qui découpent les
tôles, les chaudronniers, les machinistes, les électriciens, les
mécaniciens, les plombiers, les ajusteurs de vapeur, les ouvriers de l'asbeste,
les maîtres charpentiers, les menuisiers, les calfats, les peintres, les
ajusteurs d'agrès, etc. Selon le système en vogue dans les syndicats
de métier, pour chaque métier il doit y avoir une " internationale
", qui n'a rien de commun avec les autres sinon le paiement d'une contribution
per capita à des quartiers généraux communs. Il se peut qu'une
partie de ces quarante métiers se groupent en une seule " internationale
", mais dans chaque chantier naval américain sont en général
présents un grand nombre de syndicats de métier, qui se disputent
fréquemment. Et quand le mécontentement se fait trop fort, il n'est
pas rare de voir l'une se mettre seule en grève et se faire bien entendu
défaire par les autres qui ne sont pas en grève, comme il est dit
dans notre Préambule. La plupart de ceux qui ont travaillé dans
des chantiers navals aux Etats-Unis confirmeront cette description. Mais ce qui
est pire, c'est qu'elle pourrait aussi s'appliquer à quasiment toutes les
autres industries organisées en syndicats de métier.
Ce système,
c'est ce que nous appelons du " cassage de grèves organisé
". Il laisse les ouvriers à la merci des patrons. Ces barrières
érigées entre les métiers, qui divisent le chantier en une
vingtaine de groupes, conscients de leur supériorité respective
et se regardant les uns les autres avec soupçon, sont ce qui permet aux
patrons de payer de bas salaires pour de longues heures de travail dans de mauvaises
conditions. Sans nous étendre sur les autres défauts des syndicats
de métier, contentons-nous de dire que c'est en réaction à
cet état de choses intolérable et irrationnel que sont nés
les I.W.W.
Ajoutez à cela l'absence d'idéalisme qui caractérise
le syndicalisme de métier dans tous les pays, le fait qu'il accepte l'horizon
du capitalisme et du salariat, son incapacité à insuffler dans la
classe ouvrière de l'espoir dans l'avenir et sa tendance à organiser
des " trusts du travail " afin d'empêcher l'étranger d'obtenir
de l'ouvrage, plutôt que de résoudre les problèmes quotidiens
auxquels les masses sont confrontées, et vous avez le tableau de la situation
contre laquelle les I.W.W. se sont insurgés en rédigeant leur Préambule.
Le
moyen proposé par le nouveau mouvement syndicaliste pour rectifier cet
état de choses, ce fut l'organisation sur la base de l'industrie, comme
on l'a dit plus haut.
Revenons à notre exemple du chantier naval, afin
de montrer comment opérerait une organisation à base industrielle.
La première chose que font les I.W.W. dans un chantier organisé
par les syndicats de métier, c'est, dès qu'ils en ont l'ocasion,
de détruire toutes ces barrières entre métiers. Au chaudronnier,
au mécanicien, au plombier, au peintre, ils enlèvent leur carte
syndicale et leur disent : " Désormais vous n'êtes plus divisés
en chaudronniers, mécaniciens, plombiers et peintres. Tous ceux qui, comme
vous, travaillent dans ce chantier ou dans n'importe quel autre sont désormais
unis en tant qu'ouvriers de la construction navale. Au lieu de quarante syndicats
sur ce chantier, nous n'en aurons maintenant plus qu'un, le Syndicat industriel
des ouvriers de la construction navale. Chaque chantier forme une branche de ce
syndicat, et dans cette branche nous avons les conseils et comités nécessaires
pour obtenir que les ouvriers des différents ateliers du chantier coopèrent.
"
Ainsi l'ensemble des ouvriers du chantier formeront un corps unifié,
tous les chantiers navals du pays formeront le syndicat industriel, et les ouvriers
de cette industrie seront unis pour l'action commune. Chaque centre de chantiers
navals disposera également d'un conseil d'industrie. Ainsi on ne pourra
plus voir un groupe d'ouvriers continuer à travailler tandis qu'un autre
est en grève. Quand il sera question de grève, tout le monde s'y
mettra, et gagnera. Voilà comment les syndicalistes industriels voient
les choses. Pour eux, le syndicat industriel est avant tout une arme de guerre
plus efficace dans la lutte contre les patrons.
Buts immédiats
et buts ultimes des I.W.W.
Les objectifs des I.W.W. sont de deux ordres.
Dans l'immédiat, il s'agit de faire en sorte que le syndicat industriel
serve d'organe militant dans la lutte quotidienne contre la classe des patrons,
pour obtenir de meilleurs salaires, des journées de travail plus courtes
et de meilleures conditions de travail. Inutile d'expliquer cet aspect plus avant,
sauf peut-être pour dire que nous sommes convaincus que le syndicat industriel,
parce qu'il rassemble tous les ouvriers, est un organe de lutte bien plus efficace
dans cette perspective que le syndicat de métier, restreint dans ses mouvements
du fait qu'il ne regroupe qu'une seule catégorie de travailleurs.
En
perspective, le syndicat industriel est appelé à aider les ouvriers
à prendre possession des usines et, plus encore, à fonctionner comme
organe productif et distributif quand le capitalisme aura été renversé
ou quand il se sera effondré. Au cours de cet effondrement, ce second objectif
tendra à effacer le premier.
L'effondrement du capitalisme
En
dépit de son aspect florissant, nous pensons que le système de production
et de distribution capitaliste est dans un sérieux état de décrépitude,
dans ce pays et dans le monde entier, et nous doutons qu'il soit capable de retomber
sur ses pieds comme il l'a fait jusqu'à présent après chaque
crise. Les vieux organes ne fonctionnent plus, tous les pays sont plus ou moins
proches de la banqueroute. Il semble que des milliards de dollars devront être
bientôt inscrits en pertes, et nous savons ce que cela signifie pour ceux
qui n'ont rien d'autre à vendre que leurs bras.
Les vieux organes de
production, à savoir le propriétaire et son établissement
généralement de petite taille, la société par actions,
le trust, les groupements de trusts, semblent ne plus être capables de pourvoir
aux besoins des hommes. Des centaines de millions de personnes de tous les coins
du monde survivent avec peine car ils n'ont pas accès à la terre,
aux ressources naturelles ni aux moyens industriels et commerciaux de production.
Les biens de première nécessité deviennent de plus en plus
inaccessibles pour les masses populaires, qui de temps en temps, poussées
par le désespoir, rompent brutalement l'ordre existant pour affirmer leur
droit à la vie. Insurrections, grèves, grandes agitations ouvrières
dans les usines, manifestations, sont des choses qui se produisent quotidiennement
partout, notamment aux Etats-Unis. Plus grave encore, il y a un sérieux
problème de chômage depuis la fin de la guerre, apparu de façon
manifeste en 1923. La misère pousse les peuples au désespoir !
Tous
ces phénomènes sociaux sont les symptômes de l'effondrement
progressif du capitalisme. Les conditions de vie en Europe et ailleurs autorisent
à penser que l'écroulement final de ce système aura lieu
lorsque le crédit capitaliste sera totalement désorganisé,
obligeant toutes les entreprises industrielles à cesser leur activité.
Toutes ces terribles éventualités ne sont en tout cas pas à
exclure, puisque même la presse capitaliste les admet. Ainsi l'insécurité
économique et l'inquiétude pour l'avenir rendent la vie impossible
à des millions d'êtres humains. La tension qui résulte de
cet état de choses pousse les propriétaires des moyens de production
et de distribution à mettre en place un système d'oppression et
de violence afin de préserver leur pouvoir économique et politique.
On peut presque dire que la production se fait actuellement à la pointe
des baïonnettes ou sous la présence menaçante de mitrailleuses
masquées, tandis que la presse des patrons et des parasites discute quotidiennement
du recours éventuel à des gaz asphyxiants pour garder le contrôle
des villes rebelles. Le capitalisme ne peut plus se maintenir grâce à
ses mérites. Il ne peut plus se maintenir que par la force ou la menace
de la force. Dans ces circonstances, des millions de travailleurs périssent,
poussés au bord du précipice social, et ceux d'entre nous qui restent
sont menacés du même sort, à moins que nous ne fassions vite
quelque chose pour l'éviter.
Nous ne pouvons supporter indéfiniment
le fardeau de la misère, et quand l'écroulement final se produira,
nous aurons tous à envisager la faim, le danger et des souffrances indescriptibles.
Les spectres du chaos, de la dissolution, de la guerre civile, de la terreur blanche,
etc., nous menacent. Se trouverait-t-il par hasard quelqu'un pour dire que ce
pays est à l'abri d'un tel sort? Avec l'impitoyable brutalité de
notre classe capitaliste, le grand nombre de races et de croyances, l'animosité
qui sévit contre l'étranger et le Noir, l'activité pernicieuse
de " patriotes " de profession et d'engendreurs de haine tel que le
Ku-Klux-Klan, nous avons au contraire, en dépit de la richesse du pays,
tous les ingrédients du pire bouillon d'enfer que le monde ait jamais goûté.
Et certains éléments semblent déjà travailler à
la collision fatale. Il est donc temps que tous les travailleurs et les travailleuses
réfléchis et responsables, les seuls sur lesquels on peut compter,
fassent le nécessaire pour prévenir semblable catastrophe.
C'est
dans ces circonstances que les I.W.W., endurcis par de nombreuses années
de cruelle persécution, arrivent au front avec leur programme de salut
universel, le seul programme capable de résoudre le problème social
et de nous emmener au port d'une nouvelle société de paix, de bonheur
et d'abondance.
Au moyen de nos syndicats industriels, nous nous proposons
de nous saisir des moyens de production et de distribution tombés des mains
impuissantes de la classe capitaliste et de continuer à produire la nourriture,
les vêtements et les abris, et de sauver ainsi l'humanité souffrante.
Nous proposons de mettre en place un système rationnel de production et
de distribution, exempt d'oppression de classe et d'exploitation de l'homme par
l'homme. Nous soutenons que le syndicat ouvrier est, à l'échelle
de chaque établissement, l'organe le mieux outillé pour le gérer.
En d'autres termes, nous voulons remplacer la propriété privée
de la terre et des moyens de production par la propriété et le contrôle
collectifs, le capitalisme par le communisme industriel.
Les méthodes
des I.W.W.
C'est peut-être sur la question des méthodes que
les I.W.W. ont été le plus mal compris et le plus mal représentés.
Nous-mêmes préférons présenter nos méthodes
sous le nom d'action directe économique. En quoi cela consiste-t-il ?
Il
y a l'action politique, indirecte, et l'action économique, directe.
Pour
mieux nous faire comprendre, nous allons définir les deux.
Les
différentes formes d'action
L'action politique, ou indirecte,
est cette forme d'action que les ouvriers emploient quand ils cherchent à
atteindre leur objectif en gagnant de l'influence ou du pouvoir de contrôle
dans les rouages du gouvernement. Cette action peut prendre la forme du bulletin
de vote, de complots ourdis dans les couloirs du Parlement, de la corruption,
de l'action de masse, des balles et de la révolution politique. Ce sont
tous des moyens d'action politique. Les I.W.W rejettent tous ces moyens d'atteindre
les buts exposés plus haut, sans toutefois se mêler des convictions
politiques de ses membres.
L'action économique, ou directe, est cette
forme d'action que les ouvriers emploient quand ils cherchent à atteindre
leur objectif en prenant eux-mêmes le contrôle de leur lieu de travail,
usine, moulin ou atelier.
Certains politiciens " révolutionnaires
", agitateurs politiques, voudraient se servir des organes économiques,
les syndicats, comme d'un bâton pour se frayer un chemin vers la prise de
possession et le contrôle des bâtiments gouvernementaux. Les I.W.W.
ne désirent pas contribuer à un procédé si inutile.
L'A.F.L.
dévoie l'action directe économique
L'action directe économique
peut être plus ou moins efficace selon la façon dont elle est pratiquée.
On le comprendra mieux en comparant ce que font les I.W.W. et ce que font les
syndicats de métier de Chicago, par exemple. Les permanents des I.W.W.,
conformément à leur programme et à leurs instructions, remettent
constamment et systématiquement à la masse des organisés
les pouvoirs et les responsabilités qui, par travers naturel, retombent
sur les permanents du mouvement ouvrier, cela afin de stimuler leur intérêt
pour les affaires de l'organisation et du mouvement. De leur côté,
les permanents des syndicats de métier de Chicago ôtent tout pouvoir
à leurs adhérents, et souvent se font les tsars de leurs syndicats,
s'entourant de bandes terrorisantes de voyous qui harcèlent les membres
et leur soutirent de l'argent par différents moyens mafieux. Tout semblant
d'opposition s'exprimant à l'atelier ou en réunion est terrorisé
jusqu'à ce qu'il se soumette, voire, si nécessaire, réduit
par la force. Les syndicalistes qui cherchent à atteindre leurs buts par
de telles méthodes n'emploient pas l'action directe comme il le faut. Les
adhérents s'absentent des réunions pour vaquer à leurs loisirs
et paient tant par mois pour laisser les tsars et leurs voyous " agir "
à leur place. Cela ne vaut peut-être pas pour tous les syndicats
de métier, mais au moins pour un très grand nombre.
Même
lorsque les membres des syndicats de métier se mettent en grève
(et la grève est certainement une forme d'action directe), ils ne font
généralement qu'obéir à certains ordres, et de ce
fait la grève perd elle-même son caractère d'action directe
économique. Qui n'a entendu raconter comment " les ouvriers ont reçu
l'ordre de poser leurs outils " puis " reçu l'ordre de les reprendre
" ? Ce ne sont autres que les tsars et leurs voyous qui délivrent
ces ordres, selon les besoins de leurs opérations mafieuses. Même
lorsqu'un vote est organisé sur une grève, les membres sont souvent
obligés de voter " selon les ordres ", comme les Noirs du Sud
au moment des élections. Les grévistes deviennent ainsi les marionnettes
des tsars.
L'action des I.W.W. : action sur le lieu de travail et solidarité
C'est
en réaction à de telles méthodes que les I.W.W. défendent
leurs propres principes d'action directe économique. Nous cherchons à
encourager l'activité personnelle des ouvriers, afin qu'ils participent
à la bataille contre leurs exploiteurs et pour l'avènement d'une
société nouvelle. Nous voulons qu'ils gardent ce qu'ils ont et dirigent
eux-mêmes leurs affaires. S'ils le font, ils ne peuvent guère se
tromper. Mais s'ils confient leur destinée à d'autres, gare à
la trahison. Les permanents devraient être leurs serviteurs et non leurs
maîtres.
Notre méthode d'action directe fait que l'activité
du syndicat se développe dans les lieux de production alors que l'ouvrier
est au travail, ce qui a pour résultat de former les ouvriers à
s'emparer des industries et à les gérer. Les méthodes des
syndicats de métier, elles, font que l'activité de ces syndicats
se déploie dans les bureaux, et consiste principalement en un discutable
" travail en fauteuil ".
Dans l'immédiat, l'action directe
des I.W.W. s'exprime par l'action sur les lieux de travail et la solidarité.
Quel que soit l'endroit où ils travaillent, les membres des I.W.W. s'arrangent
pour avoir sur les lieux un ou plusieurs délégués, ainsi
qu'un comité. Ayant ainsi constitué le noyau de l'organisation,
les délégués commencent à faire pression sur leurs
camarades, leurs patrons et leurs chefs, de l'une ou l'autre des mille façons
dont l'homme dispose au travail lorsqu'il désire sincèrement améliorer
le sort de ses camarades et le sien. En agissant ensemble, ils se délivrent
peu à peu d'un fardeau commun, si bien que la vie au travail devient à
peu près possible. Avant l'arrivée des I.W.W., il était tout
à fait courant que le patron surcharge de travail l'ouvrier itinérant
jusqu'à l'épuiser. L'action sur les lieux de travail a mis fin à
ces pratiques. Les I.W.W ont obtenu une réduction du temps de travail dans
de nombreux secteurs, dont l'industrie du bois de construction, l'agriculture,
les mines et le transport maritime. Par cette action directe sur le terrain de
la production, menée indépendamment des permanents, les membres
ont amélioré leurs conditions de vie tout en posant la première
pierre d'une société nouvelle.
L'action de grève
des I.W.W.
Les I.W.W. pratiquent aussi cette forme d'action directe connue
sous le nom de grève ou de boycott. Mais ce sont toujours les membres de
l'organisation et non ses permanents qui décident de se mettre en grève
ou de boycotter. Les I.W.W. préfèrent la grève sur le lieu
de travail plutôt que la grève hors du lieu de travail, ne recourant
à cette dernière que lorsque tous les autres moyens ont échoué.
La grève sur le lieu de travail consiste à réduire la productivité
de manière à forcer les patrons à faire les concessions désirées.
Ce type de grève a l'avantage d'empêcher le recours à des
briseurs de grève et de ne pas toucher au salaire des ouvriers, à
moins qu'elle ne dégénère en lock-out, ce qui est toujours
possible mais ne se produit pas nécessairement. Les membres des I.W.W.
réalisent que la grève hors du lieu de production dégénère
souvent en un jeûne prolongé, tandis que le patron fait appel à
des briseurs de grève ; c'est pourquoi ils hésitent à abandonner
à l'ennemi le champ de bataille, à savoir le lieu de production.
Les
principes fondamentaux de l'organisation enseignent aux ouvriers qu'il faut essayer
de rester sur le lieu de travail et de le contrôler du mieux qu'ils peuvent
plutôt qu'en perdre entièrement le contrôle en l'abandonnant.
Hors
de l'atelier, le pouvoir des ouvriers est minime. Le principe de la lutte sur
le lieu de travail s'accorde avec l'objectif ultime des I.W.W. qui consiste à
prendre le contrôle des usines et à servir d'organe de production
ou de distribution selon les cas, quand la production capitaliste sera arrivée
dans une impasse. Lorsque nous aurons livré et gagné la dernière
grève sur les lieux de travail, nous resterons pour de bon.
Administration
industrielle et administration politique
Les modifications significatives
que l'on observe dans la structure économique de la société,
et qui nous sont imposées pour ainsi dire plus vite que nous n'arrivons
à nous débarrasser des débris de l'ancienne société,
portent aussi en germe des changements importants dans l'organisation sociale.
Nous
pensons que la désintégration du capitalisme ne peut être
que rapidement suivie d'un effondrement politique. Cette conviction est en plein
accord avec la conception matérielle de l'histoire, selon laquelle toutes
les institutions sociales dérivent de la structure économique. Si
cette dernière s'effondre, les gouvernements ne peuvent guère que
s'effondrer eux-mêmes rapidement. Les administrations politiques ne peuvent
résister, à moins de s'adapter rapidement à ces changements
économiques.
L'effondrement politique sera en partie dû au manque
de ressources. Quand la production et la distribution se seront arrêtées,
les finances dont dispose le gouvernement à travers l'impôt se trouveront
considérablement diminuées. Pourtant, dans le cas d'une société
de propriété privée, le gouvernement a tout autant besoin
de fonds que les entreprises, industrielles ou autres. L'effondrement des industries
en Europe oblige ainsi de nombreux gouvernements européens à emprunter
de l'argent pour continuer à régner. La désintégration
du système politique suit de près celle de l'économie. S'il
n'y a plus de fonds pour administrer les villes, les provinces et les gouvernements,
les fonctionnaires et les politiciens seront forcés de fermer l'un après
l'autre les bureaux des ministères. Mais, à supposer même
que les coffres soient bondés, aucun gouvernement fondé sur l'impôt
et la propriété privée ne peut résister longtemps
dans une société où le contrôle privé de la
production et de la distribution s'est effondré. Pareil état de
choses laisserait le gouvernement sans emprise, incapable de fonctionner comme
administration.
Notre philosophie étant celle-là, nous ne nous
sommes pas attelés à la tâche inutile de nous attaquer aux
gouvernements qui nous oppriment. Si un chien est frappé à coups
de bâton, il enfonce ses crocs dans le bâton. Les ouvriers, eux, doivent
faire preuve de plus de bon sens que ça. Le gouvernement, c'est le bâton,
ou le gourdin, qu'ont en main les maîtres de l'économie du pays.
Oubliez le bâton et retournez-vous contre le maître, comme le prévoit
le programme des I.W.W. En Russie, en Suède et en Allemagne, les ouvriers
ont arraché le gourdin gouvernemental des mains des maîtres de l'économie
et font maintenant l'expérience d'un gouvernement socialiste. Cependant
le gourdin socialiste ne vaut pas mieux que le gourdin capitaliste.
L'administration
gouvernementale n'est que le reflet, l'ombre du système économique
actuel. Nous ne courons pas après des reflets ou des ombres. Ce que nous
essayons d'atteindre, c'est la réalité qui les produit. Quand celle-ci
disparaîtra en se désintégrant, l'ombre disparaîtra
elle aussi.
Cette façon de voir n'interdit pas aux membres des I.W.W.
de participer aux élections politiques. Leur liberté politique leur
est entièrement laissée, mais ils doivent s'abstenir d'essayer de
placer notre organisation sous quelque contrôle politique que ce soit.
L'administration
économique, elle, naît de la nécessité économique.
Quand la désintégration de l'économie sera arrivée
à un point tel que leurs souffrances ne sont plus supportables, les gens
auront besoin de nouveaux organes pour produire de quoi se nourrir, se vêtir
et s'abriter, sauf à se résoudre à périr. L'ensemble
des travailleurs employés à des buts utiles devront s'organiser
sur le terrain économique pour éviter le chaos et la destruction.
Nous ne pouvons sûrement pas songer alors à rétablir le capitalisme.
À
ce moment-là les gens découvriront que les vieilles administrations
sont incapables de fonctionner. Ils découvriront qu'il est nécessaire
de passer d'une administration politique à une administration industrielle
de la société.
Nous savons comment est organisée l'administration
politique. Les représentants élus sont répartis selon des
critères géographiques. Les citoyens votent dans leurs districts,
se confondent avec la foule, inconnus les uns des autres et ignorant jusqu'au
nom des candidats. Ceux-ci sont généralement présentés
aux électeurs par un appareil politique aux nombreux secrets, incapable
de s'afficher au grand jour. Les hommes politiques sont choisis bien moins pour
leurs aptitudes que pour leur complaisance à prendre part aux commissions
douteuses mises en place par cet appareil. C'est pour cela que la société
grandement industrialisée que sont les États-Unis est principalement
administrée par des avocats et des politiciens de profession. Ainsi les
administrations politiques deviennent-elles incompétentes, contribuant
à ce que le capitalisme s'achemine vers sa tombe. Cela s'applique non seulement
aux administrations politiques capitalistes, mais aussi aux administrations social-démocrates
des partis socialistes et communistes. " Faites occuper les postes importants
du gouvernement par des responsables bolcheviques, sans tenir compte de leur compétence
", tel est le mot d'ordre qui a prévalu et prévaut encore en
Russie depuis le déclenchement de la Révolution. Le résultat
obtenu, c'est la ruine économique de cette nation.
La société
moderne, hautement industrialisée, est un mécanisme trop complexe
pour être administrée par les politiciens des partis ou des appareils
d'Etat. Pour prospérer, une société industrielle doit posséder
une administration faite d'experts dans chacun des domaines de la connaissance,
autrement dit une administration industrielle.
Nous ne voulons pas être
gouvernés par ce mélange hasardeux d'avocats et de beaux parleurs.
Les citoyens de la société industrielle éliront des administrateurs
issus de leurs propres rangs, à l'échelle de l'usine, du bureau,
du chantier, de la mine ou de tout autre lieu de production utile. Tous sont d'accord
pour choisir, pour cette administration où chaque branche de l'activité
humaine sera représentée, leurs camarades, hommes ou femmes, les
plus experts. Alors qu'aujourd'hui l'administration est constituée sur
des bases politiques sans souci des capacités des fonctionnaires, ce qui
fait que la plupart des le politiciens sont incapables de s'employer utilement.
Leur science du gouvernement à eux, ce sont les intrigues de parti et le
" travail " d'appareil.
Par le principe électoral industriel,
qui accorde le droit de vote à tous les travailleurs utiles par leurs capacités
productives, par la représentation industrielle, qui fournit des fonctionnaires
compétents dans toutes les branches de l'activité humaine, et par
l'administration industrielle qui en résulte, nous nous proposons, pour
les temps à venir, d'ancrer le pouvoir dans les rangs serrés de
ceux qui travaillent utilement de leurs mains et de leur cerveau, de façon
à ce que ce pouvoir ne puisse plus jamais leur échapper et donner
ainsi naissance à un nouveau système de gouvernement de classe.
Le
mécanisme des syndicats industriels décrit ci-après est le
moyen de cet ancrage, grâce auquel les I.W.W. proposent d'obtenir la liberté
des peuples pour les siècles à venir.
Pour nous, démocratie
industrielle et communisme industriel ne sont pas de vains mots.
Structure
des I.W.W.
Comme mentionné plus haut, les I.W.W. comptent à
présent 29 syndicats industriels actifs, regroupés en 6 départements.
Quelques-uns, encore tout petits, doivent être considérées
comme des embryons appelés à se développer.
Le
front de la lutte d'aujourd'hui -
Le cadre de la nouvelle société
de demain
Voici la liste des départements et des syndicats industriels.
Département
de l'agriculture (n° 100) : Syndicat industriel des ouvriers agricoles
(n° 110), Syndicat industriel des ouvriers du bois de construction (n°
120), Syndicat industriel des pêcheurs (n° 130), Syndicat industriel
des ouvriers floricoles et horticoles (n° 140).
Département des
mines (n° 200) : Syndicat industriel des métallurgistes des mines
(n° 210), Syndicat industriel des mineurs de houille et des ouvriers des fours
à coke (n° 220), Syndicat industriel des salariés des secteurs
du gaz, du pétrole et de l'huile (n° 230).
Département
de la construction (n° 300) : Syndicat industriel des constructeurs de
chemins de fer, routes, canaux, tunnels et ponts (n° 310), Syndicat industriel
des constructeurs de bateaux (n° 320), Syndicat industriel des constructeurs
de maisons et de bâtiments
(n° 330).
Département des
manufactures et de la production générale (n° 400) : Syndicat
industriel des ouvriers du textile et du vêtement (n° 410), Syndicat
industriel des ouvriers du bois (n° 420), Syndicat industriel des ouvriers
de la chimie (n° 430), Syndicat industriel des métallurgistes (n°
440), Syndicat industriel des imprimeurs et éditeurs (n° 450), Syndicat
industriel des ouvriers de l'alimentation (n° 460), Syndicat industriel des
ouvriers du cuir (n° 470), Syndicat industriel des potiers et verriers (n°
480).
Département des transports (n° 500) : Syndicat industriel
des salariés du transport maritime (n° 510), Syndicat industriel des
salariés des chemins de fer (n° 520), Syndicat industriel des salariés
des télégraphes, téléphones et de la télégraphie
sans fil (n° 530), Syndicat industriel des employés du transport municipal
(n° 540), Syndicat industriel des salariés de la navigation aérienne
(n° 550).
Département des services publics (n° 600) :
Syndicat industriel des salariés des secteurs de l'hygiène et de
la santé (n° 610), Syndicat industriel des ouvriers d'entretien des
parcs et des routes (n° 620), Syndicat industriel des salariés de l'enseignement
(n° 630), Syndicat industriel des salariés de la distribution générale
(n° 640), Syndicat industriel des salariés des services publics (n°
650), Syndicat industriel des salariés du secteur des loisirs (n° 660).
Cette
numérotation décimale permet d'insérer dans la liste de nouveaux
syndicats industriels lorsqu'on le juge nécessaire.
Détails
de la structure
Ces syndicats industriels, on l'a vu, sont composés
de différentes sections. Quand le besoin de constituer une nouvelle administration
de secteur se fait sentir, les syndicats industriels qui la désirent font
les démarches nécessaires.
Les organes " législatifs
" des I.W.W. sont la convention générale, la convention du
syndicat industriel, la convention des syndicats de secteur, etc. D'autres organes
législatifs seront constitués au fur et à mesure des besoins.
Les
organes exécutifs des I.W.W. sont le conseil général exécutif
et le trésorier-secrétaire général. Les syndicats
industriels ont un secrétaire-trésorier et un comité d'organisation.
Voilà
décrit le front de lutte d'aujourd'hui, qui est aussi l'embryon du mécanisme
productif et distributif de la nouvelle société telle que la conçoivent
les I.W.W. De ce mécanisme nous espérons faire l'administration
industrielle de l'avenir.
À côté de cela, il y a des organes
administratifs à caractère géographique, appelés à
assumer les fonctions des administrations locales existantes lorsque celles-ci
auront cessé de fonctionner à la satisfaction de la majorité
du public. Ces organes seront eux aussi élus selon le principe électoral
industriel. Ils seront de caractère industriel et non politique. Ces conseils
industriels locaux et régionaux sont actuellement un peu l'équivalent
des soviets en Russie, des Bourses du travail en France, des Arbeiterboersen en
Allemagne, des camere del lavoro en Italie, des Lokal Samorganisationen en Scandinavie.
Les
I.W.W. s'abstiennent toutefois par principe de promulguer pour les générations
futures des règles détaillées et rigoureuses. Nous préférons,
à mesure que nous progressons sur notre voie, construire de nouveaux organes
en nous adaptant à l'urgence économique, plutôt que nous soumettre
aux dogmes ou à la philosophie autoritaire du socialisme, du bolchevisme
ou de l'anarchie. Sans doute y a-t-il dans les I.W.W. beaucoup de membres qui
continuent à se dire socialistes, bolchevistes ou anarchistes selon les
cas ; mais ni les uns ni les autres ne peuvent prétendre que les I.W.W.
sont leur créature ou sont à leur service. Les I.W.W. suivent la
voie qu'ils se sont fixée. Si vous éprouvez le besoin de nous définir
brièvement, dites que nous sommes des communistes industriels. Nous sommes
le produit des conditions économiques en cours dans un des pays du monde
les plus développés industriellement, notre vie entière s'identifie
à ces activités industrielles, nous pensons, nous parlons en termes
d'industrie, nous cherchons notre salut dans l'organisation industrielle. Nous
sommes les communistes industriels. Communistes, bolchevistes, socialistes et
anarchistes, tous ces ouvriers aux opinions diverses adoptent notre philosophie,
nos principes, nos buts, nos méthodes, notre structure et même notre
nom. Forts de ces principes, nous tendons la main aux syndicalistes industriels
d'au-delà des mers, prêts à nous unir en une Internationale
industrielle, qui réalisera le rêve des fondateurs, qui avaient su
choisir le nom d'Ouvriers industriels du monde.
Le travail éducatif
des I.W.W.
Malgré l'importance de leurs réalisations dans
le domaine industriel, la principale fonction des I.W.W. a jusqu'à présent
relevé de l'éducation. Ce sont les efforts qu'ils ont faits dans
cette direction qui leur ont permis de devenir un mouvement universel. Malheureusement,
jusqu'à présent, les I.W.W. n'ont été capables de
fournir qu'une éducation industrielle très élémentaire.
Nous avons donc grand besoin, pour commencer, d'une bien meilleure éducation
générale.
Les illettrés aux États-Unis
Les
statistiques font apparaître un très grand nombre d'illettrés
aux Etats-Unis. Et ce n'est pas seulement parmi les Noirs et les étrangers
qu'on les trouve, mais également parmi les Blancs, américains de
naissance. Dans certaines parties du pays, le nombre de ces derniers est plus
important qu'on le croit généralement. Sur la base du dernier grand
recensement militaire, les autorités estiment que le nombre des citoyens
adultes illettrés est d'environ 25 %. Et ces illettrés appartiennent
tous à la classe ouvrière. De plus, à l'avant-dernier rang
en matière d'éducation, se range un groupe lui aussi consistant
de personnes à peu près illettrées. Il n'y a actuellement
qu'un faible pourcentage d'ouvriers que l'on peut toucher par l'écrit imprimé
: 10 millions peut-être, sur 40 millions d'ouvriers. Les autres, illettrés
ou ignorants, sont inaccessibles ou indifférents.
Le recensement fait
pendant la guerre a dévoilé le triste état des choses en
matière d'éducation. Après avoir examiné 1,7 million
de recrues militaires, les psychologues ont déclaré officiellement
que l'âge [intellectuel] moyen des Américains aptes au service militaire
n'était que de treize ans. D'après ces mêmes statistiques
officielles, moins d'un tiers sont au-dessus de cette moyenne, et seulement 4,5
% sont d'une intelligence supérieure.
C'est à cause de ce triste
état de choses que notre organisation éprouve des difficultés
à défricher de nouveaux terrains.
Le trade-unionisme n'est souvent
qu'une simple conspiration commandée par un despote qui croit tout savoir,
tandis que les membres sont supposés ne rien savoir sinon comment payer
leurs cotisations. Avec les I.W.W, c'est différent. Pour comprendre leur
but universel et sa signification, il faut un esprit quelque peu éduqué
et une intelligence certainement supérieure à cette moyenne évaluée
officiellement à treize ans. L'ignorance est donc le plus grand obstacle
que nous ayons à surmonter, un obstacle souvent plus considérable
que la persécution capitaliste. Quand ils refusent de bâtir des écoles,
les capitalistes savent ce qu'ils font.
En ces temps d'épreuves, un
ouvrier illettré est aussi dangereux pour les aspirations de ses camarades
qu'un malade atteint de la petite vérole ou de la peste le serait pour
la santé publique. C'est pour cette raison que nous insistons, avec doigté
mais aussi avec fermeté, pour que nos camarades illettrés apprennent
à lire et à écrire. Si on les cherche, les occasions d'apprendre
sont nombreuses. Mais quel que soit le sujet, il est presque impossible de les
exposer lucidement à un illettré, et naturellement, quand il s'agit
d'affaires importantes, son opinion n'a presque aucune valeur. Au-delà
de ce qu'il ressent, il ne connaît presque rien. Sa mentalité est
obscurcie, mais il reste quand même notre frère et notre compagnon
de travail. Ce constat s'applique aussi à celui qui, tout en sachant éventuellement
épeler les mots et griffonner son nom, reste incapable de rien digérer
de plus que les scandales de la presse jaune. Comme son frère illettré,
il est entraîné sans espoir vers sa destruction sociale à
moins qu'on ne lui vienne en aide.
La lutte contre les ténèbres
Depuis
qu'ils existent, les I.W.W. affichent au haut de la première page de leur
organe officiel ces trois mots : éducation, organisation, émancipation.
Ils nous signifient qu'avant de pouvoir nous émanciper, il faut d'abord
que nous nous éduquions et nous organisions.
Si la population veut une
transition paisible, elle doit bâtir des écoles. Si elle veut une
catastrophe, elle doit fermer leurs portes. Au lieu de soumettre par la mitrailleuse
ou la prison des ouvriers désespérés, il faut, en les éduquant,
les aider à résoudre eux-mêmes le problème social.
Si les ouvriers ne possèdent pas une bonne éducation générale,
notre éducation industrielle sera comme un grain semé sur une terre
stérile, ou nécessairement si élémentaire qu'elle
ne sera quasiment d'aucune utilité pour affronter les gigantesques problèmes
quotidiens, problèmes qui pour un esprit instruit sont souvent déjà
trop compliqués.
Il ne faut toutefois guère s'attendre à
une amélioration de l'enseignement, à moins que les instituteurs
s'organisent en un grand syndicat et concentrent leurs forces unies sur le grave
problème de l'éducation générale, mettant particulièrement
l'accent sur l'histoire, l'économie pratique et l'évolution sous
tous ses aspects.
Au cours des années, les membres des I.W.W. ont fait
des milliers de discours et distribué des dizaines de millions de brochures
littéraires, de livres, de bulletins, de journaux, de feuilletons, etc.
Jusqu'à présent, l'organisation n'a pu beaucoup se consacrer à
l'éducation industrielle supérieure, mais depuis quelque temps un
projet de création d'un bureau permanent de recherches industrielles est
en discussion, ou d'un bureau éducatif de spécialisation industrielle,
dont le but serait de publier des bulletins de syndicat industriel et des productions
écrites couvrant tout le champ industriel. Ces publications, bulletins,
livres et brochures, permettraient aux ouvriers confrontés à la
question de la prise en main des industries d'avoir une idée plus claire
de la situation. Ce projet peut se réaliser très prochainement.
Quant au reste, nous recommandons au lecteur de consulter sur place notre liste
de livres ; elle peut être obtenue sur demande.
Les I.W.W. publient plus
d'une douzaine de journaux mensuels, hebdomadaires et quotidiens, et nous vous
prions de contacter notre secrétaire-trésorier général
pour obtenir les imprimés désirés.
La dimension
morale des I.W.W.
À l'apparence, le préambule des I.W.W.
traite de l'économie, mais si vous prenez la peine d'y réfléchir,
vous réaliserez que c'est essentiellement un document " de foi, d'espérance
et de charité " : foi dans l'humanité, espérance dans
la justice finale et charité envers autrui. " Un tort fait à
l'un est un tort fait à tous ", comme il est dit dans notre déclaration
de principes : du point de vue de la classe ouvrière, c'est le seul commandement
suprême.
Ce n'est pas dans les avantages matériels contenus dans
notre programme que se trouve la force de nos idées. Si ce n'était
que pour gagner quelques sous ou quelques dollars, les hommes éviteraient
d'aller par milliers remplir les prisons. La vérité toute simple,
c'est que le préambule de notre constitution, tout en annonçant
haut et fort l'effondrement du capitalisme, est l'un des documents éthiques
les plus puissants jamais publiés. Oui, pour beaucoup de gens, les I.W.W.
sont une religion. Ils ont accompli chez eux ce que n'a pu faire aucune autre
religion. Elle les a " sauvés ", leur a apporté la paix
de l'esprit et l'espérance dans l'avenir. Ce n'est pas simplement la nécessité
de nous regrouper en syndicat pour des raisons économiques qui nous tient
ensemble en dépit d'une si terrible oppression, ce sont aussi l'espoir
et l'inspiration que fait naître en nous le principe de solidarité
et de fraternité humaine universelle, qui est le fondement de notre activité.
Les
hommes se fatiguent et s'épuisent mentalement dans l'enfer qu'est la société
d'aujourd'hui. Ils cherchent un avenir meilleur, sinon pour eux-mêmes, du
moins pour les générations futures. Ils cherchent la délivrance
- ou le " salut ", comme on l'appelle communément - de la vie
avilissante qu'offre la société capitaliste. Ils souhaitent ardemment
la paix, la justice, le bonheur et l'amour, et sentent qu'ils ont choisi la voie
juste en rejoignant les I.W.W.
Les sentiments, les idées, les principes
éthiques que l'on perçoit facilement dans les quelques lignes du
Préambule des I.W.W. sont ainsi devenus la religion intangible du pauvre,
lequel, grâce à eux, surmonte les pires dangers et évite de
succomber au désespoir. Cette religion l'aide à tâcher de
vivre de façon pure, le rend courageux contre les forts, doux envers les
faibles et ceux qui ne peuvent se défendre, prêt à tout donner
de soi quand la lutte désespérée des masses se déchaîne
de tout son feu.
Voilà la douce lumière qui le dirige dans la
vie.
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